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Nouvelles molécules innovantes : mythes et réalités N Delépine

 

cliquez  diaporama présenté à Gorcy  le 21 oct 2019 ici : MYTHES ET REALITES DES NOUVELLES MOLECULES OCT 2019 GORCY

 

Résumé

 

La dégradation du système de santé en France a vu parallèlement le développement à toute vitesse de mise sur le marché de vaccins destinés à prévenir le cancer et de drogues dites ciblées censées guérir les patients rapidement et avec moins d’effets toxiques. Malheureusement ces médicaments préventifs (vaccins) ou curatifs (nouvelles molécules) ont été mis très rapidement sur le marché, les autorisations par les agences de régulation américaine (FDA) ou européenne (EMA) ayant accepté de nouveaux critères très allégés (dits substitutifs). Nous verrons les conséquences délétères de la main mise de la finance internationale dans la perte d’efficacité et de sécurité des médicaments mis sur les marchés internationaux contrastant avec les dépenses fabuleuses qui leur sont liées.

 

 

Le Kadcyla* (trastuzumabemtansine) a – t- il un véritable intérêt dans le traitement de certains cancers du sein avancés ? par le Docteur Gérard Delépine
Le Kadcyla*, [1] combinaison du trastuzumab (herceptine*) anticorps monoclonal humanisé ciblant le récepteur HER2 et du DM1 (chimiothérapie cytotoxique, inhibiteur des microtubules) représente un exemple de chimiothérapie ciblée susceptible de ralentir la croissance des cancers, en particulier du cancer du sein HER2-positif.

Mérite-t-il la propagande de sites[2] qui ont oublié le conditionnel  pour informer les femmes, et qui plus est, celles souffrant d’un cancer et espérant un espoir réel : on peut lire « un nouveau médicament, le TDM-1, augmente l’espérance de vie et la qualité de vie des femmes victimes d’un cancer du sein[3] agressif » « TDM-1, le cocktail gagnant » Sous le nom de T-DM1 se cache un véritable missile anticancer». Tout cela pour peut-être trois mois de stabilisation tumorale et cinq mois de plus de survie globale tout en insistant sur la meilleure tolérance. Progrès qui restent à confirmer cinq ans après cette publication triomphale. Nous ne sommes plus dans l’information, mais dans la propagande.[4]

 

Nous vous présentons ici l’état actuel de la science concernant Kadcyla*à la date du premier Mars 2018.

 

 

Première autorisation de commercialisation en 2013 pour des malades atteintes de cancer du sein HER2 positif, métastatiques, déjà traitées et en rechute.

Il a bénéficié d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) aux Etats-Unis le 22 février 2013, et en Europe le 19 septembre 2013 sur la foi de l’étude pivot Emilia comparant, sur 991 patientes l’efficacité du Kadcyla* à l’association lapatinib (Tyverb*) – capécitabine (Xeloda*). Cette étude de phase III montre un gain de stabilisation tumorale de 3 mois [5](9.6 mois versus 6.4), et un gain de survie globale de 5 mois (30.9 versus 25.1) par rapport à l’association de comparaison[6].

Chez les patientes souffrant de métastases cérébrales asymptomatiques, une analyse a posteriori avance que le gain de survie globale atteindrait même 14 mois (26.8 versus 12.9].[7]

 

Le Kadcyla* en première ligne de traitement de cancers métastatiques : utilité non démontrée

L’étude de phase II TDM4450g/BO2197614 pratiquée chez des patientes non préalablement traitées souffrant d’un cancer du sein métastatique HER2+, a évalué l’efficacité de Kadcyla* (sur 67 patientes) par rapport à l’association standard herceptine* + docétaxel (70 malades). Elle a constaté une amélioration statistiquement significative de la médiane de survie sans progression (= stabilisation tumorale) avec le TDM1 par rapport à l’association trastuzumab + docetaxel, mais sans gain de survie globale.

L’essai de phase III MARIANNE porte sur 1095 patientes souffrant de cancer avancé du sein HER2-positif non préalablement traitées, tirées au sort entre herceptine* plus taxane / Kadcyla*plus taxane* / Kadcyla* seul. L’efficacité de ce dernier ne s’est pas révélée inférieure à l’association de référence[8] .

L’étude de phase III THERESA (TDM4997g/BO25734), randomisée, ouverte compare l’efficacité en termes de survie sans progression et de survie globale de Kadcyla* versus un traitement « choisi par le médecin », chez des patientes souffrant de cancer du sein HER2+ métastatique, ayant reçu au préalable au moins deux lignes de thérapies ciblées anti-HER2. Entre Septembre 2011 et Novembre 2012, 602 patientes ont été incluses dans cet essai. La survie globale est plus longue de 7 mois dans le groupe des malades traitées par Kadcyla* (médiane 22·7 mois vs 15·8).  Mais l’absence de définition stricte du traitement des malades témoins ne permet pas de conclusions fiables.

De très nombreux essais en cours étudient l’effet du Kadcyla* en association avec d’autres traitements : KATHERINE, ATEMPT, NCT01702571, KAITLIN pour préciser ses conditions d’utilisation optimales, mais l’absence de résultat démonstratif publié confirme le caractère précipité de la mise sur le marché.

 

LE JEU EN VAUT-IL LA CHANDELLE ? Effets secondaires à connaitre du Kadcyla* avant toute prise du médicament

Pour juger de l’utilité clinique d’un médicament pour les malades, on ne doit pas considérer seulement son efficacité, mais aussi la mettre en balance avec ses risques et inconvénients qui diminuent la qualité de vie, et peuvent également la raccourcir en cas de complications létales.

 

La prise de Kadcyla* expose au risque de pneumopathies interstitielles et de syndrome de détresse respiratoire aigüe, de toxicité hépatique[9]  [10] [11] [12], de réaction liée à la perfusion, d’hypersensibilité, de dysfonctionnement ventriculaire gauche, de thrombocytopénie, neuropathie périphérique, de neutropénie et anémie, d’hémorragie intra cérébrale en cas d’irradiation associée[13], d’atteinte oculaire[14]. Aux USA, la FDA demande une surveillance accrue (black box warning) de la toxicité hépatique, cardiaque et chez les femmes enceintes.

 

Vaut-il le coup de prendre ces risques alors que ce médicament ne peut pas vous guérir et ne vous promet qu’une prolongation de votre vie de quelques mois ? A chacune sa réponse et son choix, à condition d’avoir toutes les données en tête, soit une véritable information claire et éclairée, et pas la ritournelle habituelle « bien toléré et efficace ».

 

LA HAS[15]

Le coût considérable de Kadcyla* est responsable de nombreux refus de sa prise en charge par les services sociaux de nombreux pays. Dans l’étude EMILIA, la durée médiane de traitement était de 7,6 mois, mais pouvait atteindre 18 mois, voire plus. Pour 18 mois de traitement, le coût estimé est de 120 000 euros par patiente. En termes de coût global par année de vie gagnée, le coût (appelé QALY moyen) atteint 202 568 €. En absence d’actualisation des résultats des études pivots (pourtant closes depuis près de trois ans) ou d’études indépendantes confirmant le minime gain de survie globale qu’elles ont promis, un tel prix est démesuré car dans notre contexte de ressources limitées, il se fait aux détriments de soins dont l’efficacité est certaine et confirmée.

 

 

[1] trastuzumab emtansine (dénomination commune internationale pour le T-DM1) est un conjugué anticorps-médicament (antibody-drug conjugate = ADC)

[2] https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-cancer-sein-tdm-1-ameliore-efficacite-traitements-39157/

[3] Ils prétendent que le cancer du sein est le plus mortel alors que plus de 80 % en guérissent en France.

[4] Voir notre article https://docteur.nicoledelepine.fr/reflexions-sur-un-article-de-matthew-v-abola-et-v-prasad-utilisation-des-superlatifs-dans-la-recherche-sur-le-cancer/

 

[5] Appelée « survie sans progression » dans les publications

[6] S Verma Trastuzumab Emtansine for HER2-Positive Advanced Breast Cancer N Engl J Med 2012;367:1783-91.

[7] E. Krop et al Trastuzumab emtansine (T-DM1) versus lapatinib plus capecitabine in patients with HER2-positive metastatic breast cancer and central nervous system metastases:a retrospective, exploratory analysis in EMILIA Annals of Oncology 26: 113–119, 201

[8] E A. Perez et al Trastuzumab Emtansine With or without Pertuzumab Versus Trastuzumab Plus Taxane for Human Epidermal Growth Factor Receptor 2–Positive, Advanced Breast Cancer: Primary results From the Phase III MARIANNE Study J Clin Oncol 35:141-148. © 2016

[9] Krop IE, et al. A phase II study of trastuzumab emtansine in patients with human epidermal growth factor receptor 2-positive metastatic breast cancer who were previously treated with trastuzumab, lapatinib, an anthracycline, a taxane, and capecitabine. J Clin Oncol 2012;30:3234–41.

[10] Verma S, et al. Trastuzumab emtansine for HER2-positive advanced breast cancer. N Engl J Med2012;367:1783–91. www.aacrjournals.org Mol Cancer Ther; 15(3) March 2016 489

[11] Yan H et al  T-DM1 Ado-Trastuzumab Emtansine Targets Hepatocytes Via Human Epidermal Growth Factor Receptor 2 to Induce Hepatotoxicity. 2016 American Association for Cancer Research December 28, 2015

[12] Dieras V, et al. Trastuzumab emtansine in human epidermal growth factor receptor 2-positive metastatic breast cancer: an integrated safety analysis. J Clin Oncol 2014;32:2750–7

[13] Kolarich Are et al. Ado-trastuzamab emtansine associated hyponatremia and intracranial hemorrhage. Acta Oncol. 2014 Oct;53(10):1434-6.

[14] Tsuda Met al. Abnormal Corneal Lesions Induced by Trastuzumab Emtansine: An Antibody-Drug Conjugate for Breast Cancer. Cornea. 2016 Oct;35(10):1378-80

[15] Commission Evaluation économique en santé publique 11 mars 2014 © Haute Autorité de santé