Médicaments inutiles, dangereux et hors de prix – Exemple 1 : AVASTIN et cancer du sein
L’avastin dans le cancer du sein
L’histoire de l’avastin et du cancer du sein mérite d’être connue tant elle est révélatrice des dérives des agences de régulation et de la politique du médicament menée par nos dirigeants.
L’avastin est un « anti angiogenèse » qui diminue la vascularisation des tumeurs malignes et est supposé entraîner ainsi leur destruction. Il constitue un blockbuster mondial avec des ventes cumulées de plus de 50 milliards de dollars (dont 5 milliards en 2015).
Il a bénéficié d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) par la FDA selon une procédure accélérée sur la foi de l’étude pivot E2100[1] affirmant que son association avec une chimiothérapie par Placitaxel prolongeait la stabilisation de la maladie pendant plusieurs mois (11 mois contre 5 pour la chimiothérapie seule).
Deux ans plus tard, il recevait une extension d’AMM après publication d’un nouvel essai proclamant que son association au doceplaxel[2] prolongeait la durée de non progression de la maladie (11 mois contre 8 pour la chimiothérapie seule).
Mais ces deux essais, s’ils affirmaient que l’Avastin était un peu efficace sur la maladie, ne prouvaient pas qu’il pouvait être utile aux malades. Pour apporter un réel bénéfice aux malades, un médicament doit être non seulement efficace et mais aussi peu toxique. Or les procédures accélérées évaluent les médicaments sur peu de malades suivis peu de temps, ne permettant donc pas d’évaluer réellement ni les toxicités ni l’effet sur la survie globale. Lors des publications initiales, la durée médiane de suivi atteignait seulement 2 ans et leurs conclusions prétendaient que la part[3] de l’avastin était faible.
Malheureusement la toxicité importante de l’avastin a été largement mise en évidence par les études ultérieures[4]: Neutropénie fébrile ,hémorragies[5], hypertension, thromboses et embolies, fasciite nécrosante[6], perforation intestinale, cardiopathie (infarctus, insuffisance cardiaque) , toutes complications pouvant être mortelles[7] [8] chez 1 à 3,5 % des malades surtout lorsque leur chimiothérapie associée comporte des taxanes ou du platinium.
De plus, sur plus de la dizaine d’articles 1, 2, [9] [10] [11][12] [13] [14] [15] [16] rapportant les résultats de l’utilisation de l’avastin dans le traitement du cancer du sein, aucun n’a confirmé l’ampleur du gain de stabilisation tumorale des deux études initiales, ni mis en évidence d’amélioration significative de survie globale, que ce soit en pourcentage ou en durée.
L’augmentation du pourcentage de guérison ou au moins la prolongation significative de la survie sont les principales motivations des malades et constituent pour cette raison l’étalon or de l’utilité d’un médicament. L’avastin ne remplissant aucun de ces objectifs se révèle donc inutile. De plus sa toxicité importante contre-indique sa prescription et justifie pleinement le communiqué de la FDA lors du retrait de son AMM aux USA. « Aucune preuve d’efficacité de cet anti-cancéreux pour retarder la croissance de la tumeur des patients ou pour prolonger leur vie ne justifie que ce risque soit pris »[17]. Ce constat a été depuis partagé par l’ EMA et la HAS. On comprend donc mal que ce médicament puisse être encore utilisé dans cette indication[18] ou remboursé…
Cette autorisation hasardeuse de mise sur le marché d’un médicament inutile et dangereux illustre la dérive des agences du médicament. Créées pour protéger la population des dangers des traitements inutiles ou dangereux, elles se consacrent depuis plus de dix ans prioritairement au soutien de l’innovation aux dépens de leur mission première. Il ne faut pas confondre innovation et progrès. Les agences sanitaires devraient se réorienter vers la sécurité sanitaire et ne plus autoriser des médicaments inutiles.
Cette triste histoire montre aussi l’inefficacité de la politique du médicament menée depuis plus de 15 ans. Car ce médicament inutile et dangereux est payé à un prix cent fois plus cher que l’or[19]! A cause de son prix, le système de sécurité sociale anglais l’a exclu du remboursement. En cette période où le déficit des systèmes solidaires de santé menace leur existence même, on ne peut plus tolérer ces prix. Le soutien à l’innovation, prétexté par le ministère de la santé pour justifier cette gabegie ne vise en réalité qu’à satisfaire le lobby pharmaceutique[20]. Si un tel soutien était économiquement justifié[21], il ne devrait dépendre que des ministères de la recherche ou de l’industrie.
L’avastin n’est malheureusement pas le seul médicament inutile et dangereux autorisé depuis 15 ans. C’est près de 80% des thérapies innovantes qui sont dans ce cas ! Nous citerons d’autres exemples bientôt.
A SUIVRE…..
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[1] Miller K. et al. Paclitaxel plus bevacizumab versus paclitaxel alone for metastatic breast cancer. N Engl J Med. 357, 2666–2676 2007
[2] Miles, D. W. et al. Phase III study of bevacizumab plus docetaxel compared with placebo plus docetaxel for the first-line treatment of human epidermal growth factor receptor 2-negative metastatic breast cancer. J Clin Oncol. 28, 3239–3247 (2010)
[4] Qin Li Efficacy and Safety of Bevacizumab Combined with Chemotherapy for Managing Metastatic Breast Cancer: A Meta- Analysis of Randomized Controlled Trials www.nature.com/scientificreports 2015 27 10
[5]XF Hang Risk of high-grade bleeding in patients with cancer treated with bevacizumab: a meta-analysis of randomized controlled trials
[6] Communication au public Santé Canada 2 mai 2013
[7] Hongxin Huang An Updated Meta-Analysis of Fatal Adverse Events Caused by Bevacizumab Therapy in Cancer Patients PLOS ONE March 2014 | Volume 9 | Issue 3 | e89960
[8] Vishal Ranpura, Treatment-RelatedMortality WithBevacizumab in Cancer Patients A Meta-analysis JAMA. 2011;305(5):487-494
[9] von Minckwitz G Survival after neoadjuvant chemotherapy with or without bevacizumab or everolimus for HER2-negative primary breast cancer (GBG 44-GeparQuinto)†. Ann Oncol. 2014 Dec;25(12):2363-72
[10] Cortes-Funes H, Pritchard KI, Biganzoli L et al. Multinational study (n=2041) of first-line bevacizumab (Bev) plus taxane-based chemotherapy (CT) for locally recurrent or metastatic breast cancer (LR/mBC): updated results of MO19391. Eur Cancer Suppl 2009; 7: 265 (Abstr 5017).
[11] Cameron D. Bevacizumab in the first-line treatment of metastatic breast cancer. Eur J Cancer Suppl 2008; 6 (6): 21–28
[12] Pivot X, Verma S, Thomssen C, Passos-Coelho JL, Latini L, Ciruelos E, et al. Clinical benefit of bevacizumab (BV) + first-line docetaxel (D) in elderly patients (pts) with locally-recurrent or metastatic breast cancer (mBC): AVADO study. J Clin Oncol 2009;27(Suppl.):abstract1094.
[13] Biganzoli L, Cortes-Funes H, Thomssen C, Pritchard KI, Pierga J, Kupp A, et al. Tolerability and efficacy of First-line bevacizumab (B) plus chemotherapy (CT) in elderly patients withadvanced breast cancer (aBC): subpopulation analysis of the MO19391 study. J Clin Oncol 2009;27(Suppl.):abstract 1032.
[14] Pierga J, Pritchard KI, Thomssen C, Cortes-Funes H, Biganzoli L, Padrik P, et al. Safety and efficacy of 1st-line bevacizumab (B) plus chemotherapy (CT) for locally recurrent or metastatic breast cancer (LR/mBC): analysis of MO19391 according to CT. J Clin Oncol 2009;27(Suppl.):abstract 1033.
[15] Valachis, A. et al. Bevacizumab in metastatic breast cancer: a meta-analysis of randomized controlled trials. Breast Cancer Res Treat. 122, 1–7 (2010).
[16] M Rodgers Bevacizumab in combination with a taxane for the first-line treatment of HER2-negative metastatic breast cancer Health Technology Assessment 2011; Vol. 15: Suppl. 1
[17] Communiqué du 21 11 2011 de Mme Hamburg, présidente de la FDA
[18] A ce jour l’indication « cancer du sein métastatique » figure encore dans le dictonnaire Vidal
[19] Au 15 02 2017 un gramme d’or coute 30 euros et un gramme d’avastin plus de 3000 euros ! En France, son utilisation revient entre 1 633 et 3 270 euros par mois.
[20] S RaderRivasi Berthole geoffroy le racket du lobby pharmaceutique
[21] En 2015 l’industrie pharmaceutique a réalisé 70 milliards de dollars de bénéfice presqu’intégralement reversé aux actionnaires les dépenses en recherche ne représentant même pas ma moitié de cette somme !