Médicaments inutiles, toxiques et hors de prix – Exemple 14 : l’Ibrance* (palbociclib) a-t-il un véritable intérêt dans le traitement du cancer du sein avancé de la femme ménopausée ?
L’Ibrance* (palbociclib) a-t-il un véritable intérêt dans le traitement du cancer du sein avancé de la femme ménopausée
L’histoire de l’ibrance* et du cancer du sein montre une nouvelle fois l’incapacité ou le refus des agences du médicament à n’autoriser que les médicaments utiles et l’inefficacité ou l’absence de volonté du ministère de la santé dans les décisions de remboursement et de fixation des prix.
L ’Ibrance* est un inhibiteur de protéine kinase visant spécifiquement le CDK4/6 et susceptible de ralentir la croissance des cancers, en particulier du cancer du sein. Il a bénéficié d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) aux Etats-Unis selon une procédure accélérée le 3 février 2015, et en Europe le 6 11 2016 sur la foi d’une seule étude pivot de phase II PALOMA 1[1].
Ibrance* en association avec le Letrozole en seconde ligne : échec sur la durée de vie.
Cette étude PALOMA 1 compare l’effet du letrozole seul à l’association letrozole+ ibrance* sur 165 femmes ménopausées souffrant de tumeurs ER-positives, HER2-negatives. Après un suivi en médian de 29,6 mois, cet essai affirme que l’ajout d’ibrance* au letrozole augmente la durée de stabilisation tumorale (rebaptisée survie sans progression) 20,2 mois vs 10,2 mois, mais sans aucun gain de survie globale ni du taux de réponse objective.
Ajout d’Ibrance* au Letrozole en première ligne de traitement : incapable de prolonger la survie globale
L’essai de phase III Paloma 2 a inclus 666 patientes : 444 dans le groupe letrozole + palbociclib et 222 dans le groupe Letrozole + placebo. Après un recul médian de 24.8 mois l’ajout d’Ibrance* prolonge la stabilisation tumorale (24.8 mois vs 14.5), mais là encore sans gain de survie globale ni de pourcentage de réponse objective.
Ajout d’Ibrance au fulvestrant : aucun gain de survie globale
521 patientes ont été inclues dans l’étude PALOMA-3 : 347 dans le groupe fulvestrant + palbociclib et 174 dans le groupe fulvestrant + placebo. Après un suivi médian de 5,6 mois, la durée de stabilisation tumorale analysée par l’investigateur a été de 9,2 mois chez les malades recevant ibrance* contre 3,8 mois dans le groupe placebo, soit un gain absolu de 5,4 mois en faveur de l’ajout du palbociblib au fulvestrant, mais une fois encore sans gain de survie globale ni augmentation du taux de réponse.
L’ajout d’ibrance au fulvestrant s’est traduit par une tolérance dégradée notamment en termes d’événements indésirables (EI) graves (19,6% versus 12,6%), en particulier de grade ≥3 (79,8% versus 27,0%) ou ayant conduit à l’arrêt du traitement (9,2% versus 5,4%).
Au total, aucun essai randomisé, n’a pu démontrer qu’ibrance* pouvait apporter un gain de survie globale aux malades atteintes de cancer du sein.
Balance bénéfices- risques
De plus, pour juger de l’utilité clinique d’ibrance* pour les malades, on ne doit pas considérer seulement son efficacité (en l’occurrence très mineure), mais aussi la mettre en balance avec ses risques et inconvénients qui diminuent la qualité de vie.
Les plus fréquents sont neutropénie (83%, leucopénie (53%), infections (47%), fatigue intense (41%), nausées (34%), anémie (30%), stomatite (28%), céphalées (26%), diarrhée (24%), thrombocytopénie (23%) and constipation (20%).
L’ajout d’ibrance* entraîne une tolérance dégradée avec une augmentation des événements indésirables graves (19,6%), de grade ≥3 (79,8%) ou ayant conduit à l’arrêt du traitement (9,2%).
Avis de la Haute Autorité de Santé très réservé : amélioration mineure
Considérant l’absence de gain de survie globale et l’impact défavorable de la toxicité sur la qualité de vie, la haute autorité de santé[2] : estime à juste titre « qu’IBRANCE* apporte une amélioration du service médical rendu mineure (ASMR IV) par rapport au létrozole ou au fulvestrant dans la prise en charge du cancer du sein RH+/HER2- au stade avancé chez les femmes ménopausées. »
On se demande vraiment comment le prix Galien[3] a pu lui être décerné ; il est vrai que c’est une histoire belge (de crédulité ou corruption ou des deux ?)
La défaillance des agences de régulation FDA et EMA qui ont délivré l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament incapable d’augmenter la survie globale des malades, et qui n’ont pas su la remettre en cause est attristante.
La mise sur le marché précipitée de drogues supposées innovantes n’apporte trop souvent, comme ici aucun bénéfice réel pour les malades. Il est indispensable que les agences de régulation reviennent à la mission pour laquelle elles ont été créées : la protection des populations. Un médicament ne doit être mis sur le marché que s’il est utile (cliniquement efficace pour les malades) et non dangereux.
La responsabilité de nos décideurs politiques est considérable. En France, le ministère doit commercialiser la drogue lorsque l’agence européenne l’a autorisé. Mais Il décide du remboursement éventuel et a fixé le prix d’ibrance* à 4090 € la boîte de 21 gélules (pour un mois de traitement).
Rien ne justifie le remboursement à des prix aussi élevés de drogues insuffisamment efficaces et potentiellement dangereuses.
D’ailleurs l’institut national d’excellence en santé du Québec a émis un avis de refus d’inscription aux listes des médicaments remboursés[4].
Le prix des médicaments nouveaux menace notre système de protection sociale, notre compétitivité industrielle (du fait des charges sociales qu’il contribue à augmenter), et la vitalité de notre économie par les prélèvements obligatoires supplémentaires des mutuelles santé et du remboursement de la dette sociale, qui assèchent le pouvoir d’achat de la population. Incompétence ? Manque de courage politique ? Corruption ?
Quelle qu’en soit la raison, cette politique du « tout pour big pharma », si on la poursuit entrainera à terme la disparition de la sécurité sociale et entre temps fait perdre des chances de survie aux malades auxquels on impose trop souvent l’usage de ces drogues « nouvelles » peu efficaces et à haut risque de complications graves, en lieu et place des traitements éprouvés. A nous tous, médecins, soignants, patients et citoyens d’imposer un retour au bon sens.[5]
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[1] Finn RS, et al. PALOMA-2: Primary results from a phase III trial of palbociclib (P) with letrozole (L) compared with letrozole alone in postmenopausal women with ER+/HER2– advanced breast cancer (ABC). J Clin Oncol 34, 2016 (suppl; abstr 507
[2] HAS Afitinor avis du 3 mai 2017
[3] qui se prétend « le Nobel du médicament » !
[4] IBRANCEMC – Cancer du sein métastatique MARS 2017
[5] Nombreux exemples de cette dérive dans notre dernier livre : Médicaments peu utiles, souvent toxiques et hors de prix » chez Michalon oct 2017