Médicaments inutiles, toxiques et hors de prix – Exemple 6 : le Votrient* (pazopanib) dans le traitement des sarcomes des parties molles
Le Votrient* (pazopanib) dans le traitement des sarcomes des parties molles est -il utile ?
L’histoire du votrient*, pour le traitement des sarcomes des parties molles, montre qu’en France un médicament inutile et toxique pour les malades peut être remboursé à un prix astronomique. Le votrient* est un « inhibiteurs de protéines kinases) » avec une activité antiangiogénique[1]. Il est supposé entraîner la régression tumorale de certains cancers et en particulier de certains types de sarcomes des parties molles.
ETUDE PIVOT COURTE, SUR PEU DE PATIENTS ET AMM EXPRESS
L’AMM[2] du Pazopanib a été approuvée en première intention pour les sarcomes des parties molles par la Food and Drug Administration (FDA) américaine le 26 avril 2012, puis par l’agence européenne du médicament (EMA) le 24 mai 2012 sur la foi de la « pivotal randomized phase III study » (VEG110727)[3].
Cette étude pivot proclamait une augmentation de la stabilisation de la tumeur de 3 mois avec Votrient* par rapport au placebo (4.6 mois versus 1.6) mais avec une accélération de l’évolution post stabilisation, aboutissant au final à l’absence d’augmentation significative de la médiane de survie globale (p=0.26). Cet essai montrait que Votrient* était un peu efficace sur la maladie, mais ne démontrait pas qu’il pouvait être utile aux malades.
VOTRIENT* ET TOXICITE
Pour apporter un réel bénéfice aux malades, un médicament doit non seulement être très efficace, mais aussi peu toxique (en tous cas, rapport bénéfices -risques favorable). Or l’essai pivot à l’origine de l’AMM avait évalué le médicament sur peu de malades (en tout 246 malades traités par votrient*), suivis peu de temps (en moyenne 12 mois), ne permettant donc pas d’évaluer réellement les toxicités.
La publication initiale prétendait que la toxicité était faible, mais la pratique clinique ultérieure a malheureusement démenti ces affirmations optimistes.
EFFETS SECONDAIRES NOMBREUX ET SOUVENT GRAVES
Le traitement par Votrient* expose à des accidents cardiaques parfois mortels[4], des atteintes hépatiques (3.8%) parfois létales également [5], des thromboses veineuses et artérielles (3%), embolies, diarrhées (3%), hémorragies (15%) parfois fatales[6], hypertension (40%), nausées (26%), et vomissements (21%),perforations gastriques et fistules gastro-intestinales (0.5%), pneumothorax[7], pneumopathies interstitielles[8], pancréatites[9], une anorexie parfois symptomatique d’une hypothyroïdie, des syndromes de leuco encéphalopathie postérieure réversible (SLPR) soit une détérioration cérébrale rapide et souvent fatale, un changement de couleurs de cheveux (38%) … Bref une longue liste qui n’incite guère à la prescription, sauf si les chances de guérison étaient nettement améliorées l’emportant sur les conséquences fâcheuses de la drogue …
VOTRIENT* ET EFFICACITE REELLE SUR LA DUREE DE VIE DES PATIENTS
Aucun article[10] [11] [12]rapportant les résultats de l’utilisation de Votrient* dans le traitement des sarcomes des parties molles métastatiques n’a mis en évidence d’amélioration significative de survie globale, que ce soit en pourcentage, en durée, ou en qualité. De même, l’utilisation du votrient* en préopératoire n’apporte pas d’amélioration de survie et augmente la toxicité[13].
AUCUNE EFFICACITE, EFFETS SECONDAIRES LOURDS : AUCUNE JUSTIFICATION AMM NI REMBOURSEMENT
Le Pharmaceutical Benefits Advisory Committee australien[14] a refusé le remboursement en motivant sa décision en ces termes[15] « globalement le PBAC considère que la prétention d’une efficacité supérieure (du Votrient* par rapport au placebo) sur la survie globale n’est pas suffisamment argumentée. Par contre la toxicité plus importante est certaine ».
Dans son avis du 9 /1 /2013, la Haute Autorité de Santé estime l’Amélioration du Service Médical Rendu faible (ASMR IV) et constate « l’analyse finale de la survie globale effectuée à 76% (280/369) des événements n’a montré aucune différence entre pazopanib et placebo ».
L’augmentation du pourcentage de guérison, ou au moins la prolongation significative de la survie sont les principales demandes des malades et constituent pour cette raison l’étalon or de l’utilité clinique d’un médicament. Le votrient* n’a pas permis de guérir un seul malade atteint de sarcome des parties molles métastatiques, ni réussi à prolonger la survie, ni à en améliorer le confort[16]. Le Votrient* ne remplissant aucun de ces objectifs, se révèle donc inutile. D’autant plus que sa toxicité importante expose le malade à des complications graves, parfois mortelles. On comprend donc mal que ce médicament ne soit pas retiré du marché et encore moins qu’il soit remboursé dans cette indication et à quel prix …
CONFLITS D’INTERET, SOURCE DE TROP DE MAUX ET GABEGIE
Les liens d’intérêts de certains auteurs et de rédacteurs de recommandations avec les entreprises du médicament expliquent peut-être que de trop nombreux articles, mais aussi de prestigieuses sociétés – telle la Société Européenne d’Oncologie Médicale[17] (ESMO)- conseillent le Votrient* comme traitement des sarcomes des parties molles métastatiques. Alors qu’il ne guérit aucun malade, qu’il est incapable de prolonger significativement la survie des malades traités et que sa toxicité diminue leur qualité de vie.
L’autorisation de mise sur le marché du Votrient* confirme la faillite des agences américaine et européenne du médicament. Dans le cadre de l’UE, la France via son agence du médicament est contrainte de commercialiser les médicaments ayant obtenu une AMM européenne, seul le remboursement et son niveau dépendent du gouvernement national.
Créées pour protéger la population des dangers des traitements inutiles ou dangereux, les agences se consacrent maintenant, avant tout au soutien de l’innovation, confondant innovation et progrès. Pour mettre au plus tôt les médicaments sur le marché, elles ne prennent plus le temps de vérifier s’ils seront utiles aux malades, si leur balance avantage/risque est favorable.
Pour l’AMM du votrient*, elles n’ont, comme trop souvent, considéré que la « survie sans progression » nouveau terme orwellien pour parler de la classique « stabilisation tumorale » jugée sur une cible choisie, et négligé l’absence de gain significatif de survie globale, alors que ce dernier critère est celui qui est utile aux malades.
Il est temps que les agences du médicament se réorientent prioritairement vers la sécurité sanitaire, afin de ne plus mettre sur le marché des médicaments inutiles et toxiques et de surcroit ruineux (ce qui serait évitable dans tous les cas de figure, le prix dépendant du pays).
Cette triste histoire montre aussi le naufrage de la politique française du médicament menée depuis plus de 15 ans. Ce médicament inutile et dangereux est payé au laboratoire à un prix vingt fois plus cher que les chimiothérapies conventionnelles (via la fameuse liste en sus) ! Sur quels arguments, quelles justifications ?[18]
A cause de son prix, le système de sécurité sociale australien l’a exclu du remboursement. Mais pas la France ! En cette période où le déficit des systèmes solidaires de santé menace leur existence même, on ne peut plus tolérer de payer des sommes astronomiques pour des résultats aussi décevants. Le soutien à l’innovation, prétexté par le ministère de la santé pour justifier cette gabegie, ne vise en réalité qu’à satisfaire le lobby pharmaceutique et ses affidés. Si un tel soutien était économiquement justifié, il devrait dépendre du ministère de la recherche ou de l’industrie et ne pas grever le budget de la sécurité sociale dont l’objectif primordial est le soin et non la recherche. Par ailleurs, le ministère de la santé dispose du dispositif de la licence obligatoire pour commercialiser le médicament à un prix bas, il le juge indispensable.[19]
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[1] Visant les récepteurs du facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGFR1, VEGFR2, et VEGFR3), les récepteurs du facteur de croissance plaquettaire (PDGFRα et PDGFRβ) et le récepteur du facteur de cellule souche (c-KIT).
[2] Autorisation de mise sur le marché
[3] Van der Graaf WT, Blay JY, Chawla SP, et al. Pazopanib for metastatic soft tissue sarcoma (PALETTE): a randomised, double-blind, placebo-controlled phase 3 trial. Lancet. 2012; 379:1879–1886. Pivotal phase III study of pazopanib in sarcomas leading to FDA approval.
[4] Van Marcke C Rapid and fatal acute heart failure induced by pazopanib. BMJ Case Rep. 2015 Sep 2;2015
[5] Santé Canada alerte du 6 aout 2011 VOTRIENT® est associé à une hépatotoxicité, y compris une insuffisance hépatique, voire le décès
[6] K Kawasaki Fatal hemorrhage in a patient with advanced soft tissue sarcoma following radiation and pazopanib treatment: A case report ONCOLOGY LETTERS 11: 2408-2410, 2016
[7] Kenji Nakano Risk factors for pneumothorax in advanced and/or metastatic soft tissue sarcoma patients during pazopanib treatment: a single-institute analysis BMC Cancer (2016) 16:750
[8]Shotaro Ide Interstitial Lung Disease Induced by Pazopanib Treatment Intern Med 56: 79-83, 2017
[9] Kazumichi Kawakuboa Pazopanib-Induced Severe Acute Pancreatitis Case Rep Oncol 2015;8:356–358
[10] Kitamura S Pazopanib does not bring remarkable improvement in patients with angiosarcoma. J Dermatol. 2016 Aug 29.
[11] Akira Kawa A randomized, double-blind, placebo-controlled, Phase III study of pazopanib in patients with soft tissue sarcoma: results from the Japanese subgroup Japanese Journal of Clinical Oncology, 2016, 46(3) 248–253
[12] Plummer R et al. A phase I study of pazopanib in combination with gemcitabine in patients with advanced solid tumors. Cancer Chemother Pharmacol. 2013;71(1):93–101
[13] RODRIGO R. MUNHOZ A Phase Ib/II Study of Gemcitabine and Docetaxel in Combination With Pazopanib for the Neoadjuvant Treatment of Soft Tissue Sarcomas TheOncologist 2015;20:1245–1246
[14] PBAC
[15] Public Summary Document November 2012 PBAC Meeting
[16] Corneel Coens Health-Related Quality-of-Life Results From PALETTE: A Randomized, Double-Blind, Phase 3 Trial of Pazopanib Versus Placebo in Patients With Soft Tissue Sarcoma Whose Disease Has Progressed During or After Prior Chemotherapy—A EORTC Soft Tissue and Bone Sarcoma Group Cancer September 1, 2015
[17] Soft tissue and visceral sarcomas: ESMO Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up†
The ESMO/European Sarcoma Network Working Group*Annals of Oncology 25 (Supplement 3): 102–112, 2014
[18] Prix : 749.29 € trente comprimés à 200 mg, dose recommandée 800 mg / jour soit près de 100 €/ jour et 3000 €/ mois
[19] Cf in « soigner ou obéir » éditions Michalon 2017 N et G Delépine