05/02/2024 (2024-02-05)
Pourquoi inscrire le droit à l’avortement1 dans la Constitution2 inquiète-t-il tant de citoyens ?
Contribution à une nécessaire réflexion3
Par Dr Nicole Delépine, pédiatre, cancérologue
Jeune femme à l’époque de la loi Veil, j’avais, ainsi que la plupart d’entre nous, trouvé normale cette loi pesée et bien encadrée4 qui tentait d’éviter les avortements sauvages à l’aiguille à tricoter5 et les voyages à l’étranger des plus fortunées d’entre elles, Pays-Bas, etc. Mme Simone Veil, même si sa démarche n’était pas dénuée d’ambitions politiques, l’avait présentée intelligemment.
À l’heure du débat sur l’inscription de l’IVG dans la Constitution (afin de graver ce droit dans le marbre comme si on ne pouvait pas modifier une constitution, la preuve) chacun tente de faire parler Mme Veil. Simone Veil « se retournerait dans sa tombe» à cette idée.
Le discours prononcé en 1974 à l’Assemblée nationale par la ministre de la Santé défendait la légalisation de l’avortement, mais tout en nuances.
« Cette loi prévoyait un équilibre, entre la liberté de la femme à procéder à une IVG, mais aussi le respect de la vie de l’enfant à naître », développe Olivier Marleix, qui affirme relire l’allocution de Simone Veil chaque année.
« C’est l’un des discours les plus intelligents qu’on ait prononcés à l’Assemblée nationale, dont le but était de maintenir cet équilibre », souligne-t-il, craignant que l’introduction de l’IVG dans la Constitution ne vienne le « casser ».6
À la tribune de l’Assemblée nationale ce 26 novembre 1974, Simone Veil défendit le projet de loi sur l’IVG7, devant un hémicycle composé à 95 % d’hommes :
« Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. »
« Mais comment tolérer [l’avortement] sans qu’il perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ? Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme — je m’excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. »
« Personne ne peut éprouver une satisfaction profonde à défendre un tel texte8— le meilleur possible à mon avis — sur un tel sujet. »
« Personne n’a jamais contesté, et le ministre de la Santé moins que quiconque, que l’avortement soit un échec quand il n’est pas un drame »,dit encore Simone Veil.
« Mais nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les 300 000 avortements qui, chaque année, mutilent les femmes de ce pays, bafouent nos lois et qui humilient ou traumatisent celles qui y ont recours. »
Elle redoutait une instrumentalisation de ses propos.
Il semble bien que le président G D’Estaing l’ait fortement poussée à la présenter elle-même et que ce fut une décision fort difficile. Quoi qu’il en soit dans la réalité, elle ne s’exprima plus sur ce sujet lors des différentes modifications de sa loi.9
On pourrait ici discuter de l’allongement de l’avortement volontaire de grossesse jusqu’à 14 semaines avec médiatisation d’un geste supposé banal, sans conséquence, ni pour l’être humain en croissance, ni pour sa mère qui va bientôt le sentir bouger en ce début de deuxième trimestre10.
Le fœtus de 14 semaines en images
Sans être contre le principe de l’avortement, ayant connu les périodes antérieures et les souffrances des générations précédentes, il semble que néanmoins les candidates à cette technique de sauvetage d’une situation difficile pourraient être pleinement informées de ses réalités cliniques. Or les extrémistes pro avortement considèrent volontiers comme délit d’entrave et ce qui ne constituent que des informations indispensables à un consentement éclairé et que Planning familial11 cache, semble-t-il, aux femmes en détresse qui le consulte pour avortement tardif. Combien d’infirmières de bloc opératoire ont sombré dans la dépression à la suite de ces traumatismes successifs qu’elles avaient acceptés au début et qui progressivement leur sont devenus insupportables ?
La loi de mars 202212 a renforcé « les droits » de la femme à l’avortement jusqu’à 14 semaines. Comme dans les lois précédentes, il faut remarquer que les droits du fœtus sont complètement passés sous silence, alors que toutes les mères ont connu les humeurs de leur petit bébé encore à l’intérieur de leur ventre, ses goûts prononcés pour telle ou telle musique, telle position de la maman, etc. Il est clair que vouloir introduire la notion de mère porteuse dans nos civilisations (GPA) impose de nier les rapports étroits entre deux êtres humains dont l’un n’est pas encore juridiquement « né ».
La marchandisation du corps de la femme et du bébé impose de s’éloigner de l’humanité du fœtus et du nouveau-né qu’on arrache à sa mère de fait à la naissance. Comment accepter qu’il pense, qu’il souffre ? Y compris lors des méthodes abortives parfois épouvantables qui devraient alerter les associations de défense des animaux pour venir défendre aussi ces petits qu’on tue, afin d’interdire ce massacre du vivant. N’oublions pas que les organes fœtaux sont récupérés pour recherche ou commerces (vaccins en particulier) qui exigent du « matériel » vivant.
Pourquoi cet allongement ? « Le texte allonge de deux semaines le délai légal pour avoir recours à l’IVG, qui est ainsi porté de 12 à 14 semaines de grossesse. Il suit l’une des préconisations formulées par les députées Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti dans leur rapport sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse. Ce rapport, remis en septembre 2020, constate que des femmes sont encore concernées par le dépassement du délai de 12 semaines. Au moins 2 000 patientes seraient contraintes chaque année de se rendre à l’étranger pour cette raison (notamment en Espagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas). Des situations personnelles complexes et la fermeture d’établissements de santé pratiquant l’avortement expliquent en partie ces départs vers l’étranger. »
Cette loi a supprimé le délai de réflexion de deux jours, imposé afin de confirmer une demande d’avortement après un entretien psychosocial. Comment est-ce possible ? Si vous achetez un objet, vous avez toujours un délai de réflexion, mais pour un enfant, ce n’est pas nécessaire. Heureusement la clause de conscience des médecins n’a pas encore été supprimée.
Méthodes d’avortement autorisées
Il existe deux méthodes pour interrompre la grossesse : médicamenteuse ou instrumentale.13
Jusqu’à la 7e semaine de grossesse, soit 9 semaines après le début des dernières règles, vous avez le choix entre les deux méthodes. Au-delà et jusqu’à la 14e semaine de grossesse, soit 16 semaines après le 1er jour des dernières règles, la méthode instrumentale est privilégiée. Les techniques chirurgicales ne sont pas faciles à trouver dans la littérature médicale pour les exposer.
Ce qui est en cause aujourd’hui est l’inscription dans la constitution de l’IVG.
Comme le diable siège souvent dans les détails, il sera fondamental de vérifier que l’inscription dans la constitution de l’IVG ne constitue pas le moyen d’autoriser l’IMG sans limite de temps. Cela reviendrait à permettre de tuer les fœtus jusqu’à l’âge de la naissance, comme cela est actuellement autorisé au Canada14 et dans certains états des USA15 16 suscitant en retour des réactions anti-IVG allant de la limitation du délai autorisé jusqu’à l’interdiction totale17.
L’extension sans limites de l’autorisation d’avorter jusqu’au terme naturel d’une grossesse aboutissant de fait à la légalisation de l’infanticide et sa facilitation18 nous paraît inadmissible et sûrement méconnue des militantes de ce « nouveau droit » et probablement de journalistes éventuellement bien intentionnés qui font le tour de leurs collègues femmes pour justifier leurs positions pro constitution.
Retourne-t-on vers d’autres civilisations qui ne respectent pas le droit à la vie ? Qu’en penser à travers le regard de l’histoire de l’avortement à travers les siècles ?
L’INFANTICIDE est un crime très ancien. Il a existé chez tous les peuples et a grandement évolué.
Dans le droit romain, ce crime était passible de la peine de mort. Dans le droit germanique, il n’était pas considéré comme une infraction particulière. Parfois même, le chef de famille avait le droit de vie et de mort sur sa progéniture.
En France
L’avortement et l’infanticide ne semblent considérés comme des crimes en France qu’à partir de la fin du Moyen Âge.
« En mars 1556, le décret d’Henri II marque le combat contre l’infanticide. Les femmes qui cachent leurs grossesses s’avèrent présumées avoir prémédité leur crime.
La loi du 21 novembre 1901 a aboli la présomption de préméditation. Autrement dit, la femme enceinte avait l’obligation de déclarer sa grossesse. L’Église a toujours proscrit l’infanticide et l’avortement.
Déclarée coupable, la femme se trouve alors “punie de mort et dernier supplice”. Plusieurs ordonnances ont été prises sous Henri III afin que les femmes déclarent leurs grossesses.
Sous le règne de Louis XVI, la présomption d’innocence marque la crainte de condamner un non-coupable.
Sous le règne de Napoléon Iᵉʳ, les rédacteurs du Code Pénal de 1810, la peine capitale se rétablit pour cette infraction à l’article 302.
Cette peine s’appliquera jusqu’au début de la Troisième République. Et la peine ensuite commuée en travaux forcés à perpétuité pour la mère. »
Certaines cultures la tolèrent parfois.
« Dans certaines cultures un enfant s’avère considéré comme être humain qu’à partir d’une cérémonie particulière. Avant cette cérémonie l’enfant ne paraît pas alors considéré comme un être humain. Donc tuer cet enfant ne semble pas considéré comme un infanticide. Certaines tribus comme chez les Yanomami au Brésil, avortement et infanticide se trouvent confondus. En effet, la grossesse non désirée autorise de tuer l’enfant après l’accouchement ».
L’évolution du regard sur l’infanticide dans nos sociétés
y aurait-il un retour à une certaine forme de barbarie qu’on espérait dépassée ? Comme la banalisation des viols de femmes âgées ne semble pas scandaliser tant de monde, ni l’euthanasie des vieillards en EHPAD sous injection ministérielle en début de Covid, ni la promesse d’une loi sur l’euthanasie dans les prochains mois promise par G Attal dans son discours du 30 janvier 2024 à l’assemblée. Cette loi retoquée plusieurs fois dans les années précédentes bénéficiera-t-elle de la mode du 49-3 ?
L’individualisme forcené développé depuis l’après-guerre est-il responsable de cette reviviscence de pratiques ancestrales de certaines ethnies ?
Le sacrifice des enfants — à travers toutes les contraintes sociales qu’on leur impose, multiplication des vaccinations, embrigadement à l’école, perte progressive de la liberté de choisir, de penser, de décider — relève -t-il de la même logique ?
Comment de l’interdiction de l’avortement jusque dans les années 75 en est-on arrivé en moins de cinquante ans à l’autorisation facilitée de tuer des nouveau-nés dans le monde aseptisé de l’hôpital, où l’homme déguisé en robot ne devient plus qu’un outil sacrifié à la mode progressiste ?
L’IMG
De fait l’interruption médicale de grossesse (IMG) était pratiquée en France depuis une quarantaine d’années dans le silence des blocs opératoires en cas de mise en danger de la mère ou du bébé, à tout moment de la grossesse et personne ne contestait, ni ne conteste cette indication proprement médicale.
« Deux circonstances permettaient de justifier une interruption médicale de grossesse en vertu de l’ancien article L. 2213-1 du code de la santé publique : une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ou un péril grave pour la santé de la femme. »19
IMG jusqu’à neuf mois de grossesse pour les personnes « en détresse psychosociale »
Ce qui inquiète actuellement est le passage d’un geste pesé, réfléchi, médical, à un geste qui serait facilement accordé sur un diagnostic nécessairement difficile et relatif : « détresse psychologique » entré dans les textes juridiques.
Si les juristes et soignants en faveur de cette extension à l’avortement jurent leur grand dieu que les avortements du deuxième et troisième trimestre ne sont faits qu’en cas de danger réel pour la mère ou l’enfant à naître, les études publiées attestent d’une situation plus fréquente : mère en bonne santé, enfant sans risque particulier.
Le 1er août 2020, les critères concernant l’état de santé de la femme enceinte, qui déterminent l’autorisation d’avoir recours à l’IMG, ont été élargis : la « détresse psycho-sociale » y est désormais incluse. Un critère que certains gynécologues prenaient déjà en compte, mais qui était peu connu par l’ensemble du corps obstétricien et les patientes.
Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) s’était positionné en faveur de cette proposition de loi dans un communiqué en date du 11 octobre 2019, assurant que sur le terrain :
« L’IMG d’indication maternelle implique une prise en compte des causes psychosociale. [La détresse psychosociale] concerne des femmes en situation de danger personnel, de violences, de difficultés psychologiques majeures ou d’extrême précarité, rendant impossible la poursuite de leur grossesse alors même qu’elles dépassent le délai légal de l’IVG de 14 semaines d’aménorrhée. Ces situations rendent compte d’une bonne part des déplacements à l’étranger pour interruption de grossesse, néfastes pour la santé, onéreux, voire inaccessibles pour certaines femmes. »
Interviewée par AFP Factuel, la psychologue clinicienne Erika Teissiere, qui a travaillé au sein d’équipes pluridisciplinaires en charge d’approuver ou non les demandes d’IMG, indique :
« Les causes psycho-sociales peuvent être des troubles psychiatriques graves, des cas d’inceste ou de viol ayant mené à une grossesse, des cas de déficience intellectuelle ou des cas de précarité sociale grave. »
Cette loi20 a eu pour but d’uniformiser les pratiques autour de l’IMG. N’est — ce pas aussi de la banaliser tant les critères de « détresse psychosociale » peuvent être interprétés de façon variable ?
« Le nombre d’IVG a augmenté en 2022 avec 234 300 IVG enregistrées, soit 17 000 IVG de plus qu’en 2021. C’est le plus haut niveau depuis 1990. Le taux de recours à l’IVG tend à augmenter, dans un contexte où le nombre de femmes en âge de procréer baisse. Il s’établit à 15,5 IVG pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans en France. Le ratio d’avortement (rapport entre le nombre d’IVG et le nombre de naissances) se stabilise à 0,32 en 2022, contre 0,30 en 2021.
La part d’IVG tardives concernées par l’allongement du délai légal de recours à l’IVG serait inférieure à 1,5 % de l’ensemble des IVG. La méthode médicamenteuse en 2022 représente 78 % de l’ensemble des IVG réalisées (contre 68 % en 2019 et 31 % en 2000). La méthode instrumentale concerne donc 22 % des IVG. Sur 22 % d’IVG instrumentales, seules 18 % ont lieu après 12 SA ».21
La thèse 22 récente soutenue le 14 déc. 2023 sur « l’IVG après 14 semaines d’aménorrhée, quelles perspectives en France ? Étude du modèle néerlandais » est particulièrement instructive sur plusieurs points que nous relaterons ici.
« En France, avec le premier allongement du délai de recours à l’IVG en 2001 de nombreux gynécologues obstétriciens et médecins impliqués dans l’orthogénie23 se sont opposés à cette réforme.
Leurs arguments contre cette proposition étaient les suivants :
— La nécessité d’une technique différente, un geste plus long et compliqué nécessitant des compétences que de nombreux vacataires médecins généralistes n’ont pas, ainsi qu’un plateau technique dont beaucoup de centres d’IVG ne bénéficient pas
— Un geste plus éprouvant, la nécessité de fractionner le fœtus rend le geste plus difficile psychologiquement et pourrait entraîner un désengagement de certains professionnels en orthogénie. Le risque de dérive eugénique avec une inquiétude émergente vis-à-vis de l’empiètement du délai d’IVG sur le champ du diagnostic anténatal ».
Il semble que la vision du produit de l’IVG pouvait entraîner une répercussion chez certains membres du personnel. D’après ce même travail, concentrer les IVG tardives dans quelques centres risquerait d’entraîner une lassitude chez les soignants.
Le nombre d’IVG a augmenté en 2022 avec 234 300 IVG enregistrées, soit 17 000 IVG de plus qu’en 2021. C’est le plus haut niveau depuis 1990. Le taux de recours à l’IVG tend à augmenter, dans un contexte où le nombre de femmes en âge de procréer baisse. Il s’établit à 15,5 IVG pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans en France. Le ratio d’avortement (rapport entre le nombre d’IVG et le nombre de naissances) se stabilise à 0,32 en 2022, contre 0,30 en 2021. »24
Le REVHO25 propose un protocole de dilatation et évacuation pour la réalisation des IVG entre 14 et 16 SA. La préparation cervicale est réalisée à l’aide de 200 mg de mifépristone 36 à 48 h avant le geste, suivie de la prise per os ou jugale de 400 µg de misoprostol 2 à 3 heures avant le geste. La dilatation du col s’effectue au bloc opératoire avec l’aide de bougies. L’évacuation débute par une aspiration intra-utérine associée à une extraction du trophoblaste se présentant à l’orifice externe du col. L’introduction de la pince de Mcclintock se fera sous échographie jusqu’à évacuation du matériel restant (les morceaux du fœtus). Le geste se termine par une aspiration et une échographie de contrôle de vacuité ».
Les avortements tardifs du deuxième et troisième trimestre de la grossesse
Traditionnellement les avortements tardifs seraient pratiqués dans le cas de « graves anomalies fœtales » ou pour « sauver la vie de la femme ». De fait les études de la littérature relatée dans la thèse citent que depuis des décennies :
« La plupart des avortements tardifs sont électifs, pratiqués sur des femmes en bonne santé avec des fœtus en bonne santé, et pour les mêmes raisons invoquées par les femmes ayant subi un avortement au premier trimestre ».
« L’Institut Guttmacher a fourni un certain nombre de rapports sur deux décennies qui ont identifié les raisons pour lesquelles les femmes choisissent l’avortement, et ils ont systématiquement signalé que la procréation interférerait avec leur éducation, leur travail et leur capacité à prendre soin des personnes à charge existantes ; serait un fardeau financier ; et perturberait les relations entre partenaires. »
Une étude plus récente de Guttmacher26 sur l’avortement après 20 semaines de gestation conclut que les femmes cherchant à avorter tardivement ne le faisaient pas pour des raisons d’anomalie fœtale ou de danger pour leur vie.
L’étude concluait que les femmes qui demandaient un avortement tardif étaient plus jeunes et plus susceptibles d’être au chômage que celles qui cherchaient à avorter plus tôt. 4 On estime qu’environ 1 % de tous les avortements aux États-Unis sont pratiqués après 20 semaines, soit environ 10 000 à 15 000 par an. (..) les avortements aux États-Unis sont désormais pratiqués à la demande et rarement pour des raisons réellement médicales
Un auteur prémonitoire sur l’avortement a prédit les événements d’aujourd’hui avec une prévoyance remarquable : la « rhétorique de la nécessité médicale » est une stratégie erronée, car « ce n’est pas la preuve empirique de ce qui est ou n’est pas médicalement nécessaire qui est important », mais plutôt « qui possède la capacité d’interpréter la nécessité dans des contextes politiques clés. 27
Vu sous cet angle, il est possible de voir les récentes législations de New York et de Virginie comme un signal selon lequel la politique, et non la science, est l’influence la plus puissante sur les questions et la législation sur l’avortement ».
Cet éclairage est important, car le sujet traité ici de l’importance ou non, des dangers et des motivations des défenseurs de la constitutionnalisation du droit à l’IVG (ou de la liberté selon les juristes) semble bien en France une discussion essentiellement politique. Nous souhaitons ici apporter les éléments médicaux le plus souvent inconnus des militants pro IVG et bien souvent aussi de leurs opposants, espérant ainsi ramener sur un plan médical un sujet qui par nature l’est fortement (I Médicale G), les implications sur la santé de la femme ne pouvant être balayée d’un revers de main. Quant au fœtus et à ses propres droits, ceci devrait faire l’objet d’une ample réflexion, elle aussi trop souvent négligée.
Nos deux thésardes font à ce sujet des réflexions fort pertinentes :
« Nos organisations médicales, de santé publique et scientifiques sont devenues politisées. Les conseils indépendants que nous pourrions raisonnablement attendre de la communauté scientifique sur ces énigmes conséquentes en matière de politique de santé sont absents — les preuves ont été remplacées par le plaidoyer ».
Elles parlent à juste raison de « gouffre scientifique » entre différents groupes de professionnels. Pour certains « une approbation peu subtile de l’avortement sur demande sans aucune restriction considérations de nécessité médicale pour chaque avortement » pendant que d’autres maintiennent que « les avortements tardifs ne sont “jamais nécessaires” » et que la nouvelle sous-spécialité n’est qu’une « tentative d’augmenter le nombre de gynécologues obstétriciens certifiés et formés pour pratiquer des avortements tardifs. »
Quelles sont les motivations des femmes pour ces avortements tardifs ?
Selon l’Institut Guttmacher28, les raisons les plus fréquemment évoquées : (1) ne pas se rendre compte qu’on est enceinte (71 %), (2) difficulté à prendre des dispositions pour un avortement (48 %), (3) la peur d’en parler aux parents ou à un partenaire (33 %) et (4) le sentiment qu’il faut plus de temps pour prendre la décision (24 %). Les anomalies fœtales ont été identifiées comme étant prises en compte dans seulement 2 % de toutes les décisions d’avortement tardif.
Selon la bibliographie de la thèse :
« l’ambivalence décisionnelle est souvent caractéristiquedes femmes qui subissent un avortement au cours du 2e trimestre et au-delà29. De plus, les femmes qui obtiennent un avortement au deuxième trimestre ont signalé un soutien social plus déficient et plus d’énergie dépensée pour évaluer les ressources disponibles pour les aider à garder un enfant par rapport aux femmes qui obtiennent un avortement au premier trimestre [14, 15]. La recherche suggère que 30 % des femmes qui retardent un avortement au-delà de 16 semaines ont peur d’informer leurs proches de leur grossesse [11]. Comparées aux femmes qui avortent plus tôt, les femmes qui avortent tardivement sont plus susceptibles d’éprouver un attachement plus fort au fœtus, d’avoir plus d’objections morales ou religieuses à l’avortement et d’accepter un avortement basé sur les souhaits des autres ».
Toutes ces données laissent penser que la qualité de l’accompagnement que peuvent trouver les femmes qui se posent la question de l’avortement est capitale. Est-il meilleur aux Pays-Bas qui ont le taux le plus faible d’avortements, alors que ce fut le pays d’Europe où sa légalisation fut la plus précoce ?
Bien que les conséquences d’un avortement soient régulièrement minorées par la propagande des militants de la dépopulation, il est clair qu’il existe dans un certain nombre de cas des symptômes du trouble de stress post-traumatique. Les preuves empiriques d’un lien entre l’avortement au premier trimestre et les symptômes du SPT se sont accumulées ces dernières années30 .
En fait, 12 à 20 % des femmes ayant des antécédents d’avortement répondent à tous les critères de diagnostic du STRESS post-traumatique, pourcentage non négligeable.
« Bien qu’aucune étude antérieure n’ait été publiée comparant la santé mentale des femmes subissant un avortement précoce et tardif, les preuves examinées ci-dessus sont suffisantes pour émettre l’hypothèse que les avortements survenant au cours du 2e trimestre et au cours du 3e trimestre seraient associés à des niveaux plus élevés de symptomatologie du syndrome post-traumatique qu’en cas d’avortements au 1er trimestre ».
Nous n’aborderons pas ici la problématique de ce qu’est un être humain, et à partir de quand, ce qui nécessiterait un long débat et bien évidemment l’absence de conclusion. Nous avons juste ici voulu aborder la question de l’avortement en général, et singulièrement après le premier trimestre afin de montrer que le sujet est complexe humainement et médicalement et qu’il importe de ne pas le traiter comme au bar du café du commerce afin de peser les conséquences sur les vies qui seront impactées.
La thèse citée a le mérite de peser les différents aspects et de montrer comment la politique s’incruste dans un débat médical, éthique et philosophique où elle n’a pas sa place. Citons les derniers mots de ce travail qui ouvre sur d’autres à propos de la différence entre embryon et fœtus viable :
« toutes les décisions morales sont basées sur des conventions et donc la distinction entre un nouveau-né et un fœtus peut également être considérée comme une convention. Or, biologiquement parlant, la différence est factuelle : les premiers ont atteint le stade de la vie indépendante, les seconds non.
Pour cette raison, nous pensons que lorsque la viabilité est atteinte, le fœtus ou le nouveau-né devient un membre, bien qu’encore très fragile, de la société humaine. Biologiquement, et donc éthiquement, il n’y a aucune “incertitude” et — à notre avis — il n’est pas nécessaire de mener une quelconque enquête philosophique pour savoir si un nouveau-né est effectivement membre de la société humaine.
Tous les points de vue métaphysiques sur ce qui définit un “humain” ont leurs mérites et leurs inconvénients et nous espérons qu’ils resteront partie intégrante d’un débat animé sans fin définitive.
Mais aussi intéressant que puisse être le débat sur la “définition de l’être humain” d’un point de vue métaphysique, si l’on applique déductivement des solutions toutes faites à ce débat séculaire dans le cadre d’un critère conséquentialiste moral étroit, on invite tout profane qui s’intéresse à la solution à ce débat pour décider qui peut vivre et qui peut mourir, que ce soit dans une attitude “conservatrice” ou “progressiste”, comme celle adoptée par G&M31.
À cet égard, il vaut mieux adopter l’attitude sceptique de Diogène, ne pas connaître la réponse et chercher les humains en plein jour sur la place de la ville, avec une lanterne allumée dans une main et sans armes dans l’autre. ».
et un peu d’émotion : la naissance d’un bébé