Le votrient* dans le cancer métastatique du rein
L’histoire du votrient* (pazopanib) et du cancer du rein mérite d’être contée tant elle est démonstrative des dérives des agences de régulation, de certaines sociétés savantes et de la politique du médicament menée par de nos dirigeants.
Le votrient (pazopanib) est un « Inhibiteurs de protéines kinases) » avec une activité antiangiogénique visant les récepteurs du facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGFR1, VEGFR2, et VEGFR3), les récepteurs du facteur de croissance plaquettaire (PDGFRα et PDGFRβ) et le récepteur du facteur de cellule souche (c-KIT). Il est supposé entraîner ainsi la régression tumorale.
L’AMM du Pazopanib a été approuvée en première intention pour le cancer métastatique du rein par la Food and Drug Administration (FDA) américaine le 19 octobre 2009 puis par l’agence européenne du médicament (EMA) le 14 juin 2010 sur la foi de la « pivotal randomized phase III study » (VEG105192). Cette étude pivot proclamait une stabilisation de la tumeur avec Votrient* par rapport au placebo[1] (9,2 mois versus 4,2 mois) mais sans augmentation significative de la médiane de survie globale.
Cet essai montrait que Votrient* était un peu efficace sur la maladie mais ne démontrait pas qu’il pouvait être utile aux malades. Pour apporter un réel bénéfice aux malades, un médicament doit non seulement être efficace, mais aussi peu toxique. Or cet essai avait évalué le médicament sur peu de malades (en tout 290 malades traités par votrient*), suivis peu de temps (durée médiane de suivi de 18 mois), ne permettant donc pas d’évaluer réellement, ni l’effet sur la survie globale, ni les toxicités. La publication initiale prétendait que la toxicité était faible, mais la pratique clinique ultérieure a malheureusement démenti ces affirmations optimistes. Le traitement par Votrient*[2] expose à des accidents cardiaques (dont des infarctus du myocarde parfois mortels)[3] [4], des atteintes hépatiques (3.8%)[5]qui peuvent entraîner la mort, des thromboses veineuses et artérielles (3%), des embolies[6], des diarrhées (3%), des hémorragies (15%), des hypertension (4o%), des nausées (26%), et vomissements (21%) [7], des perforations gastriques et fistules gastro-intestinales (0.5%)[8], des pancréatites[9], une anorexie parfois symptomatique d’une hypothyroïdie, des syndromes de leuco encéphalopathie postérieure réversible (SLPR) qui peut avoir une issue fatale, un changement de couleurs de cheveux (38%) …
En octobre 2010, le Nice anglais estimait que le rapport bénéfice risque était trop faible pour justifier la prise en charge, avis partagé l’année suivante en France par la Haute autorité de santé[10] et confirmé lors d’un second examen du dossier[11] deux ans plus tard. Le Pharmaceutical Benefits Advisory Committee australien[12] a également refusé le remboursement en motivant sa décision en ces termes « globalement le PBAC considère que la prétention d’une efficacité supérieure (du Votrient* par rapport au placebo) sur la survie globale n’est pas suffisamment argumentée. Par contre la toxicité plus importante est certaine ».
Sur les nombreux articles rapportant les résultats de l’utilisation de Votrient[13] dans le traitement du cancer du rein métastatique, aucun n’a confirmé l’ampleur du gain de stabilisation tumorale de l’étude pivot, ni mis en évidence d’amélioration significative de survie globale, que ce soit en pourcentage ou en durée[14]. Cela n’est guère étonnant dans la mesure où le laboratoire clame que le Votrient* est « aussi efficace » que le Sorafenib dont l’incapacité à améliorer la survie globale a été démontrée.
L’augmentation du pourcentage de guérison, ou au moins la prolongation significative de la survie sont les principales demandes des malades et constituent pour cette raison l’étalon or de l’utilité clinique d’un médicament. Le Votrient*, ne remplissant aucun de ces objectifs, se révèle donc inutile et justifie pleinement l‘avis de la HAS lors du refus de son remboursement : « avis défavorable au remboursement Votrient* en raison d’un intérêt clinique non démontré dans le traitement du cancer du rein au stade avancé ». D’autant plus que sa toxicité importante expose le malade à des complications graves, parfois mortelles. On comprend donc mal que ce médicament ne soit pas retiré du marché et encore moins qu’il soit remboursé[15]…
Les liens d’intérêts de certains de leurs experts avec les entreprises du médicament expliquent peut-être que de trop nombreux articles mais aussi de prestigieuses sociétés telles que l’Association Française d’Urologie[16], la société européenne d’oncologie médicale (ESMO)[17] et la société européenne d’urologie (EAU)[18] conseillent le Votrient* en première ligne de traitement des cancers du rein métastatiques. Alors qu’il ne guérit aucun malade, qu’il est incapable de prolonger significativement la survie des malades traités et que sa toxicité diminue leur qualité de vie.
L’autorisation de mise sur le marché du Votrient* illustre la dérive des agences américaine et européenne du médicament. Créées pour protéger la population des dangers des traitements inutiles ou dangereux, elles se consacrent depuis trop longtemps au soutien de l’innovation aux dépens de leur mission première en confondant innovation et progrès. Ces agences sanitaires devraient à nouveau se réorienter prioritairement vers la sécurité sanitaire et ne plus mettre sur le marché des médicaments inutiles. Dans ce panorama attristant, il faut féliciter la Haute Autorité de Santé dont les avis « VOTRIENT* n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu dans le cancer du rein avancé ou métastatique » se sont donc révélés plus pertinents que ceux de la FDA ou de l’Agence européenne.[19]
Cette triste histoire montre aussi l’inefficacité de la politique du médicament menée depuis plus de 15 ans. Car ce médicament inutile et dangereux est payé à un prix vingt fois plus cher que les chimiothérapies conventionnelles[20]! A cause de son prix, le système de sécurité sociale anglais l’a exclu du remboursement. En cette période où le déficit des systèmes solidaires de santé menace leur existence même, on ne peut plus tolérer ces prix. Le soutien à l’innovation, prétexté par le ministère de la santé pour justifier cette gabegie, ne vise en réalité qu’à satisfaire le lobby pharmaceutique[21]. Si un tel soutien était économiquement justifié[22], il ne devrait dépendre que des ministères de la recherche ou de l’industrie et ne pas grever le budget de la sécurité sociale.
Le Votrient* n’est malheureusement pas le seul médicament inutile, dangereux et hors de prix autorisé à la mise sur le marché depuis 15 ans. C’est près de 80% des thérapies innovantes qui sont dans ce cas ! Nous citerons d’autres exemples bientôt.
A SUIVRE…
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[1] Cora N. Sternberg, Pazopanib in Locally Advanced or Metastatic Renal Cell Carcinoma: Results of a Randomized Phase III Trial J Clin Oncol 28:1061-1068. © 2010
[3] W-X Qi Congestive heart failure risk in cancer patients treated with vascular endothelial growth factor tyrosine kinase inhibitors: a systematic review and meta-analysis of 36 clinical trialsBr J Clin Pharmacol 2014 78:4 / 749
[4] F A B Schutz Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials for the Incidence and Risk of Treatment-Related Mortality in Patients With Cancer Treated With Vascular Endothelial Growth Factor Tyrosine Kinase Inhibitors J Clin Oncol 30:871-877. © 2012
[5] Santé Canada Sommaire des motifs de décision (SMD) 7 12 2010.
[6] Toni K. Choueiri Risk of Arterial Thromboembolic Events With Sunitinib and Sorafenib: A Systematic Review and Meta-Analysis of Clinical Trials
[7] Glaxo Smith Kline MONOGRAPHIE DE PRODUIT février 2015
[8] From FDA report
[9] Russano et al. BMC Research Notes (2015) 8:196
[10] Avis du 2 février 2011
[11] Avis du 26 juin 2013.
[12] . November 2012 PBAC Meeting
[13] R J. Motzer Pazopanib versus Sunitinib in Metastatic Renal-Cell Carcinoma n engl j med 2013 369;8
[14]Cora N. Sternberg A randomised, double-blind phase III study of pazopanib in patients with advanced and/or metastatic renal cell carcinoma: Final overall survival results and safety updateE J C April 2013 49, 6, 1287–1296
[15], A ce jour l’indication « cancer du rein métastatique » figure encore dans le dictionnaire Vidal
[16]J.Patarda Recommandations en onco- urologie 2013 Progrès en Urologie (2013), Suppl. 2 S177-S204
[17]B. Escudier Renal cell carcinoma: ESMO Clinical Practice Guidelines Annals of Oncology 27 (Supplement 5): v58–v68, 2016
[18] EAU Renal Cell Cancer Guidelines Panel 2016
[19] C Sacha I. Rothschild cancer du rein à un stade avancé – options thérapeutiques actuelles Forum Med Suisse 2013;13(8):154–158
[20] En France, son utilisation revient à environ 3 000 euros par mois.
[21] S RaderRivasi Berthole geoffroy le racket du lobby pharmaceutique
[22] En 2015 l’industrie pharmaceutique a réalisé 70 milliards de dollars de bénéfice presqu’intégralement reversé aux actionnaires les dépenses en recherche ne représentant même pas ma moitié de cette somme !