Cometriq*[1] cabozantinib et cancer médullaire de la thyroïde de l’adulte localement avancé ou métastatique symptomatique.
Un miracle chasse l’autre …

 

Comme Caprelsa* n’est pas le miracle espéré[2], pas d’inquiétude, une nouvelle merveille suit. Le Cometriq * (cabozantinib ) est un inhibiteur de tyrosine kinase multi cible visant les facteurs de croissances EGFR, VEGFR et l’oncogène RET, susceptible de ralentir la croissance des tumeurs et en particulier des rares carcinomes médullaires de la thyroïde[3].

 

« Autorisation accélérée » aux USA en 2012 : une seule étude Exam et en avant ! AMM ET REMBOURSEMENT A 100%

 

Il a bénéficié le 29/11/ 2012 d’un processus d’autorisation accélérée de mise sur le marché par la FDA[4] puis par l’EMA le 21/03/ 2014 sous le statut de « médicament pour maladie orpheline » sur la foi de l’étude pivot EXAM[5] affirmant (sur 330 malades avec un suivi médian de 14 mois) qu’il augmentait la durée médiane de stabilisation tumorale de 7.2 mois (11,2 mois avec contre 4 sans traitement).

 

Lors de la publication initiale de l’étude EXAM, les auteurs ne donnaient pas de résultats précis de survie globale, prétextant un recul trop court. Deux ans plus tard, ils confirmaient l’incapacité du cometriq* à augmenter[6] la durée de vie, en dehors des rares (environ 20%) malades porteurs de tumeurs avec mutation du gène RET pour lesquels ils espéraient encore. L’ AMM conditionnelle de l’EMA précise : « chez les patients pour lesquels la mutation réarrangée au cours d’une transfection (RET) n’est pas connue ou est négative, l’éventualité d’un bénéfice plus faible doit être prise en considération avant la décision d’un traitement individuel ». Efficacité plus faible !! Que va-t-il rester ?

 Et 5 ans après l’autorisation de mise sur le marché aux USA, aucun bénéfice de survie globale n’a été rapporté par une essai randomisé.

 

Qu’importe, on continue !

Or dans le cadre d’une maladie d’évolution imprévisible (et souvent très lente dans ce cas précis),l’augmentation de la durée de survie globale est l’élément majeur pour affirmer l’utilité d’un médicament.

Le suivi des patients et des familles atteintes -chez plusieurs membres -de cette maladie héréditaire rare[7], confirme ce que dit la littérature internationale : l’évolution est lente et imprévisible et les malades suivis depuis plus de trente sans traitement actif ans sont légion. Des malades présentant des métastases pulmonaires sont suivis depuis plus de dix ans par notre équipe ou ses correspondants. [8]

 

 

Un danger spécifique à ce cancer de la thyroïde à prendre en compte.

 En dehors des cancers dits sporadiques, ce cancer s’intègre souvent dans des syndromes associant plusieurs maladies neuroendocriniennes, comportant par exemple les phéochromocytomes, tumeurs surrénaliennes révélées éventuellement par des variabilités tensionnelles majeures mais souvent peu parlantes cliniquement pendant de longues années. Il s’insère également fréquemment dans le cadre d’un syndrome malformatif de type marfanoïde avec atteintes vasculaires (néoplasies endocriniennes multiples type 2B).

Ces précisions sont nécessaires pour soupeser le contexte dans lequel on propose le Cometriq *. Précisons que ce cancer n’est « sporadique », c’est-à-dire isolé que tant que les médecins n’ont pas découvert la pathologie associée comme le phéochromocytome qui peut se manifester bien des années plus tard. Donc vigilance  car il est probable que la concomitance de pathologies associées rendrait encore plus risquée l’utilisation de cette molécule.

Car ce médicament est non seulement inefficace, mais il est aussi dangereux ! et probablement d’autant plus en cas d’affections associées.

 

 

COMPLICATIONS du Cometriq *

Il expose à de multiples complications[9] : diarrhée, syndrome mains pieds, qui implique une éruption cutanée et un engourdissement des paumes et de la plante des pieds), perte de poids, et d’appétit, nausées, fatigue, troubles du goût, changements de couleur des cheveux, hypertension, inflammation des muqueuses dont les stomatites (inflammation des muqueuses de la bouche), constipation, vomissements, faiblesse et modification du son de la voix.

Les anomalies sanguines couramment observées sont une élévation des enzymes hépatiques (SGPT, SGOT et phosphatases alcalines), un taux trop élevé de bilirubine témoignant d’une atteinte hépatique, trop faible nombre des globules blancs (lymphopénie ou neutropénie), ou des plaquettes (thrombocytopénie) traduisant la toxicité sur la moelle sanguine, et des troubles métaboliques :hypocalcémie , hypophosphatémie, hypomagnésémie, et/ou hypokaliémie.

Mais des complications plus graves encore émaillent parfois la vie des patients qui absorbent ce médicament : pneumonie, dysphagie (difficulté à avaler), déshydratation, embolie pulmonaire (caillots dans les vaisseaux sanguins irriguant les poumons) dangereuse et parfois mortelle, hypertension, abcès, des fistules gastro intestinales(3,3%) ou d’autres localisations (3,7%) et des hémorragies sévères (1%) pouvant aussi entraîner la mort. Une ostéolyse de la machoire a été signalée, imposant un suivi stomatologique rapproché. Enfin les habituelles possibilités de leucoencéphalite avec ce type de drogues sont également à craindre et déjà retrouvées.

 

Au total : 72% des malades doivent réduire les doses du traitement[10] et un malade sur 6 est contraint de l’arrêter pour intolérance. C’est une proportion très importante traduisant la trop courte étude avant commercialisation et/ ou la trop grande « tolérance » des agences pour accorder l’AMM certes transitoire mais si rarement remise en question !

 

L’évaluation de la qualité de vie par le module spécifique pour la thyroïde MDASI THY a montré une détérioration du score dans le groupe Cometriq par rapport au groupe placebo, à la 12ème semaine de traitement, du fait d’une augmentation de l’incidence et de la sévérité des symptômes notamment gastro-intestinaux.

 

Insuffisamment efficace sur la tumeur, incapable d’augmenter la survie des malades et dangereux, le Cometriq * se révèle donc inutile pour les malades.

Sa toxicité potentiellement mortelle fait pencher la balance avantage/risques nettement du côté des risques et le fait classer dans la liste des médicaments dangereux de la revue Prescrire 2017[11].

 

La responsabilité des agences

 Il faut une fois de plus souligner la responsabilité des agences de régulation des médicaments (FDA et EMA) qui ont accordé une autorisation de mise sur le marché à un médicament, sans en connaitre ni les indications précises (pas de test compagnon Ret validé) ni la posologie optimale[12] !

AMM sans dose précise conseillée !

Ainsi que le constate l’EMA qui précise « le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché s’est engagé à conduire avant le 31 mars 2019 une étude de comparaison des doses (XL-184-401) (140 mg vs 60 mg) chez 112 patients atteints d’un cancer médullaire de la thyroïde (CMT),héréditaire ou sporadique ».

Cette AMM donnée sur la seule affirmation d’une stabilisation transitoire de la progression tumorale, sans gain de survie globale, sans prise en compte de la toxicité a transformé ainsi, à leur insu, de nombreux malades en cobayes ! Cobayes dont certains risqueront de perdre la vie du fait du médicament, tandis que beaucoup souffriront de complications auxquelles ils n’auraient jamais dû être exposés. On peut vraiment parler d’AMM « pony express » pour l’équivalent d’une phase 1 (recherche de la dose adéquate).

De plus, ces agences n’ont toujours pas suspendu l’AMM alors que le processus d’autorisation accélérée dont a bénéficié le cabozantinib* aux USA et l’autorisation de mise sur le marché conditionnelle attribuée par l’EMA prévoit que les informations manquantes doivent être fournies par la firme pharmaceutique lors d’études complémentaires permettant d’évaluer le bénéfice réel et le risque de complications. A ce jour aucune des études prévues n’a été publié et l’AMM n’a pas été suspendue.

A   ce jour, ce médicament n’est pas commercialisé en France dans cette indication, le dossier d’AMM étant probablement en attente à l’ANSM[13]. Il est néanmoins commercialisé sous le nom de Cabometyx * pour le cancer avancé du rein.[14]

 

POSOLOGIES RECOMMANDEES : dose recommandée de COMETRIQ est de 140 mg une fois par jour, prise sous la forme d’une gélule orange de 80 mg et de trois gélules grises de 20 mg. Traitement poursuivi aussi longtemps qu’il existe un bénéfice pour le patient ou jusqu’à la survenue d’une toxicité intolérable.

Compte-tenu de la toxicité du cabozantinib, une surveillance rapprochée des patients traités doit être mise en place au cours des huit premières semaines de traitement afin de pouvoir procéder si nécessaire, aux adaptations de la posologie.   Une interruption temporaire de l’administration et/ou une réduction de la posologie peuvent être justifiées en fonction de l’évaluation individuelle de la tolérance.

[2] Cf article sur caprelsa* sur notre site

[3] Sans rapport avec l’habituel cancer papillaire de la thyroïde , le carcinome médullaire de la thyroide est une vraie maladie rare héréditaire et familiale d’évolution le plus souvent très lente sur des décennies, évolution extrêmement variable d’un patient à l’autre.

[4] US Food and Drug Administration. Approved Drugs: Cabozantinib; 2012.

[5] Rossella Elisei, Cabozantinib in Progressive Medullary Thyroid Cancer J Clin Oncol 31:3639-3646. © 2013

[6] Schlumberger M, Elisei R, Muller S, et al. Final overall survival analysis of EXAM, an international, double-blind, randomized, placebo-controlled phase Ill trial of cabozantinib (Cabo) in medullary thyroid carcinoma (MTC) patients with documented RECIST progression at baseline. Presented at: The 2015 Annual Meeting of the American Society of Clinical Oncology, Chicago, IL; 2015. Abstract 6012

[7] Tant en clinique que dans le   groupe d’études des tumeurs à calcitonine créé en 1984

[8] Même le laboratoire Sanofi genzyme qui commercialise le Caprelsa précise à juste raison : « la décision d’utiliser CAPRELSA doit être soupesée avec soin en se fondant sur une évaluation des risques et des bienfaits chez les patients présentant une maladie indolente, asymptomatique ou d’évolution lente en raison des risques importants liés au traitement. CAPRELSA ne doit être prescrit que par un médecin qualifié agréé aux fins du Programme de distribution restreinte de CAPRELSA, et ayant de l’expérience dans l’administration des antinéoplasiques et le traitement du cancer médullaire de la thyroïde. Il est évident que ces précautions devraient s’appliquer également pour Cometriq* !

[9] Agence européenne du médicament Résumé EPAR à l’intention du public Cometriq cabozantinib

[10] Kurzrock R, Sherman SI, Ball DW, et al. Activity of XL184 (Cabozantinib), an oral tyrosine kinase inhibitor, in patients with medullary thyroid cancer. J Clin Oncol. 2011;29(19):2660–2666.

[11] Site www.prescrire.org

[12] Jadis, au siècle dernier, c’étaient les essais de phase I qui résolvaient ce problème, soit deux étapes avant la présentation pour l’AMM

[13] Agence française du médicament

[14] Voir chapitre adapté

Exemple 9 : Vectibix* et cancer du colon : autre espoir déçu

Le panitumumab (Vectibix*) est un anticorps monoclonal IG2 dirigé contre le facteur de croissance tumoral EGFR et susceptible de ralentir la croissance des tumeurs et en particulier des cancers du côlon.

 

Une étude initiale dite PIVOT : gain de cinq jours de stabilisation contre rien !

Il a bénéficié d’un processus d’autorisation accélérée de mise sur le marché par la FDA en 2006[1] sur la foi d’une étude pivot affirmant (sur 463 malades suivis en moyenne 9 mois) qu’il augmentait la durée médiane de stabilisation tumorale de 5 jours (8 semaines avec Vectibix* versus 7.3 sans traitement) sans augmenter la durée de survie globale[2]. Mais même ce pauvre et maigre bénéfice n’a pas été confirmé par les études ultérieures.

 

Inutile, voire nocif dans la population tout venant atteinte de cancer colorectal métastatique. Perte de plusieurs mois de vie !

Dans la population sans sélection génétique, le vectibix* est inutile, et souvent même, délétère. Dans l’essai Pacce[3], l’addition du vectibix* à l’association bevacizumab-oxaliplatine diminue la survie sans progression médiane de 1,5 mois (8,5 mois avec Vectibix contre 10 mois sans la drogue) et la survie globale de 5 mois (19,4 vs 24.5 mois) tout en augmentant la toxicité. Ce sévère échec du vectibix* a motivé l’avis de juillet 2010 de la HAS : « Cette utilisation constitue une situation non acceptable ».

 

Nouvel espoir : un groupe de patients dont la tumeur est dite « sauvage » serait-il plus sensible à l’effet du Vectibis* ? Non , la tumeur serait moins méchante, mais indépendamment !

 

En 2014, il a bénéficié d’une nouvelle AMM comme traitement de seconde ligne après l’essai Prime III (sur 656 malades) proclamant que l’ajout de vectibix* à la chimiothérapie Folfox augmentait de 48 jours la stabilisation tumorale[4] et de 4 mois la durée médiane de survie globale des malades souffrant de tumeurs coliques Kras non mutées(Kras sauvage ou WT).

Mais la même année, l’essai 20050181[5] étudiait l’effet de l’ajout de vectibix* à la chimiothérapie Folfiri (sur 557 malades suivis en moyenne 59 semaines). Il proclamait que l’addition de vectibix* au folfiri augmentait de 84 jours la non progression tumorale des tumeurs Kras non muté , mais sans apporter aux malades d’amélioration significative de la survie globale[6].

 

On peut alors se demander si le « Kras status WT » ne confère pas un avantage pronostique par lui-même, ainsi que le suggèrent les courbes suivantes tirées de l’analyse d’Amado[7] : elles ne mettent en évidence aucun gain significatif de survie globale, même pour les malades atteints de tumeurs « Kras sauvage ».

Pas d’effet non plus en deuxième ligne de traitement.

Dans l’étude Piccolo, l’ajout du vectibix* à la chimiothérapie de deuxième ligne des malades souffrant de tumeurs Kras sauvage n’augmente pas la survie globale et aggrave la toxicité[8].

Le vectibix* ne parait pas non plus utile après échec d’erbitux* (cetuximab)[9] [10].

 

La méta analyse de 2015 de Rosa[11] conclue « l’addition d’antigènes monoclonaux à la chimiothérapie des cancers coliques ne prolonge, ni la stabilisation tumorale, ni la survie globale ».

Le NICE [12] ne recommande pas sa prescription[13] ni la Haute Autorité de santé qui précise : « En l’état actuel des données, VECTIBIX* n’apporte pas d’amélioration du service médicale rendu (ASMR V, inexistante) dans la prise en charge du cancer colorectal métastatique avec un statut RAS non muté ».

 

Pas utile, mais dangereux.

Ce traitement expose en outre à de multiples complications : complications cutanées exacerbées par l’exposition au soleil, kératite pouvant devenir ulcérative, réaction allergique lors de la perfusion (sévère chez 1% des malades) fièvre , toux, dyspnée, bronchospasme, chute tensionnelle menaçant parfois la vie, douleurs abdominales, stomatite, diarrhées (23%), nausées (5%), vomissements(5% ), déshydratation (16%) pouvant entrainer une défaillance rénale, infection (3%), troubles métaboliques (hypo-magnésémie, hypocalcémie, hypokaliémie,), pneumopathie interstitielle pouvant entrainer la mort, fibrose pulmonaire .

Insuffisamment efficace sur la tumeur, incapable d’augmenter la survie des malades, quel que soit le statut Kras de la tumeur, et toxique le vectibrix* se révèle donc inutile.La revue Prescrire classe le vectibix* dans sa liste des médicaments dangereux[14].

 

Pourquoi est -il encore autorisé et remboursé à ce jour ?

Il faut une fois de plus souligner la responsabilité des agences de régulation des médicaments (FDA et EMA) qui ont accordé une autorisation de mise sur le marché à un médicament supposé ralentir de 5 jours (!!!) la progression tumorale sans prolonger la survie et transformé ainsi à leur insu de nombreux malades en cobayes. Cobayes dont un grand nombre (les 55% de malades Kras mutés), ont du fait de cette AMM, perdu 5 mois de survie, tout en souffrant de complications auxquelles ils n’auraient jamais dû être exposés.

On doit aussi rappeler la responsabilité du ministre de la santé qui a accepté de payer à un prix exorbitant ce médicament globalement inutile et dangereux et creusé un peu plus le déficit de la sécurité sociale, alors que d’autres pays voisins en ont refusé le remboursement.

LISTE I

Médicament réservé à l’usage hospitalier.
Prescription réservée aux spécialistes en oncologie ou en hématologie, ou aux médecins compétents en cancérologie.
Médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement.
AMM EU/1/07/423/001 ; CIP 3400957181857 (RCP rév 10.11.2016) 5 ml.
EU/1/07/423/003 ; CIP 3400957182168 (RCP rév 10.11.2016) 20 ml.
Collect, excepté dans l’indication « en première ligne en association avec un protocole FOLFIRI », non agréée aux collectivités à la date du 16.03.2017 (demande d’admission à l’étude).
Prix ou tarif de responsabilité (HT) par UCD : UCD 3400893071830 (flacon de 5 ml) : 365,500 euros.
UCD 3400893071779 (flacon de 20 ml) : 1462,000 euros.
Inscrit sur la liste des spécialités prises en charge en sus des GHS.

 

Titulaire de l’AMM : Amgen Europe BV, Minervum 7061, NL-4817 ZK Breda, Pays-Bas.


[1] Giusti RM et al (2008) US Food and Drug Administration approval: panitumumab for epidermal growth factor receptor expressing metastatic colorectal carcinoma with progression following fluoropyrimidine, oxaliplatin, and irinotecan-containing

chemotherapy regimens Clin Cancer Res 14(5) 1296–302

[2] Van Cutsem E, Peeters M, Siena S, et al. Open-label phase III trial of panitumumab plus best supportive care alone in patients with chemotherapyrefractory metastatic colorectal cancer. J Clin Oncol. 2007;25:1658–1664

[3] J. R Hecht A Randomized Phase IIIB Trial of Chemotherapy, Bevacizumab, and Panitumumab Compared With Chemotherapy and Bevacizumab Alone for Metastatic Colorectal Cancer J Clin Oncol 27:672-680. © 2008

[4] Douillard JY, Siena S, Cassidy J, Tabernero J, Burkes R, Barugel M, et al. Randomized, phase III trial of panitumumab with infusional fluorouracil, leucovorin, and oxaliplatin (FOLFOX4) versus FOLFOX4 alone as first line treatment in patients with previously untreated metastatic colorectal cancer: the PRIME study. J Clin Oncol 2010;28(31):4697-4705.

[5] M. Peeters et al Final results from a randomized phase 3 study of FOLFIRI ± panitumumab for second-line treatment of metastatic colorectal cancer Annals of Oncology 25: 107–116, 2014

[6]M. Peeters et al Final results from a randomized phase 3 study of FOLFIRI ± panitumumab for second-line treatment of metastatic colorectal cancer Annals of Oncology 25: 107–116, 2014

[7] Rafael G. Amado, Wild-Type KRAS Is Required for Panitumumab Efficacy in Patients With Metastatic Colorectal Cancer Clin Oncol 26:1626-1634. © 2008

[8] M T Seymour Panitumumab and irinotecan versus irinotecan alone for patients with KRAS wild-type, fl uorouracil-resistant advanced colorectal cancer (PICCOLO): a prospectively stratified randomised trial, Lancet Oncol 2013; 14: 749–59

[9] Wadlow RC, Panitumumab in patients with KRAS wild-type colorectal cancer after progression on cetuximab. Oncologist 2012; 17: 14

[10] Ohhara Y, Circulating Tumor Cells as Prognostic Marker in Japanese patients with Kras Wild-type Metastatic Colorectal Cancer Receiving Panitumumab after Progression on Cetuximab. J Cytol Histol 2014 5: 204

[11] Bruno Rosa, Effectiveness and safety of monoclonal antibodies for metastatic colorectal cancer treatment: systematic review and meta-analysis ecancer 2015, 9:582 DOI: 10.3332/ecancer.2015.582

[12] NICE agence du médicament anglaise.

[13] Hoyle, M, Crathorne, L, Peters, J, et al. The clinical effectiveness and cost-effectiveness of cetuximab (mono- or combination chemotherapy), bevacizumab (combination with non-oxaliplatin chemotherapy) and panitumumab (monotherapy) for the treatment of metastatic colorectal cancer after first-line chemotherapy (review of technology appraisal No.150 and part review of technology appraisal No. 118): a systematic review and economic model. Health Technol Assess. 2013 Apr;17(14):1-237

[14] « Pour mieux soigner, des médicaments à écarter : bilan 2017 » Rev Prescrire 2017 ; 37 (400) : 137-148.

Médicaments inutiles, toxiques et hors de prix

Exemple 8 : Avastin* (Bevacizumab) dans le cancer du poumon

Par Dr Gérard Delepine, chirurgien oncologue et statisticien

Au milieu des années 2000, l’arrivée sur le marché de molécules visant à empêcher les tumeurs d’être nourries à travers leurs petits vaisseaux, appelées les anti-angiogenèses a entrainé beaucoup d’espoirs. L’avastin* en est l’exemple type avec son activité prouvée de ralentir un temps la croissance tumorale, mais aussi son incapacité à augmenter la survie globale des malades et sa trop grande toxicité.

Avastin* pour les cancers avancés, récidivants ou métastatiques.

L’avastin* a d’abord été proposé comme traitement de première ligne en association avec la chimiothérapie. Il a bénéficié d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) pour les cancers du poumon avancés par la FDA le 11 10 2006 sur la foi de l’étude pivot ECOG 4599 .

Cette étude Pivot affirmait (sur 876 patients suivis pendant une durée médiane de 19 mois) que son administration améliorait de 2 mois la survie globale (12 vs 10 mois) des malades et de 20% le taux de réponse de la tumeur (35% vs 15%) par rapport au traitement par chimiothérapie seule[1]. Mais la réalité d’une amélioration de la survie globale par avastin* n’a pas été confirmée.

Une étude jamais confirmée par les essais ultérieurs internationaux.

Ainsi dans l’essai européen Avail (portant sur 1043 malades) l’ajout d’avastin* à la chimiothérapie par gemcitabine-placitaxel augmente le taux de réponse de 14% et la durée de survie sans progression tumorale (= stabilisation tumorale) de 18 jours, mais n’augmente pas significativement la survie [2]. De même dans l’essai japonais JO19907 publié par Nishio[3].

La macroanalyse de Botrel[4] résumant 4 essais randomisés (portant sur 2500 malades ) évaluant l’ajout d’avastin* à la chimiothérapie conclut « l’utilité de l’avastin pour augmenter la survie globale demeure très incertaine du fait de la qualité médiocre des essais dont on dispose, alors que sa toxicité est certaine ».

Avastin* en rattrapage : échec .

 

Devant l’échec de l’avastin* en première ligne, il a été proposé comme traitement de rattrapage après échec d’autres traitements, ou comme traitement de maintenance en complément d’une chimiothérapie efficace.

La maintenance par avastin* prolonge la stabilisation tumorale, mais se révèle incapable d’allonger la survie, que ce soit dans l’essai AVAPERL[5], Point break [6]ou de l’essai BeTa[7]. C’est ce que constate Roviello[8] dans sa macroanalyse de 2016 «la maintenance par thérapie ciblée n’améliore pas la survie globale ».

Avastin* comme traitement complémentaire d’une tumeur opérable : inutile.

L’avastin est également inutile pour les malades souffrant de tumeurs localisées opérables. Les résultats de l’essai EI505[9] montrent que l’ajout de Bévacizumab à la chimiothérapie classique après ablation chirurgicale complète de la tumeur n’améliore pas la durée de survie des patients, comme l’illustrent les courbes présentées au 16ème congrès mondial du cancer du poumon.

Cette incapacité globale de l’avastin* à améliorer la survie globale est confirmée par plusieurs grandes études appelées « méta-analyses »[10]. Citons celle de Villaruz en 2015 [11] et celle de Raphael[12] en 2017 qui confirment elles aussi que les anti-angiogenèses entraînent des réponses (courtes), et augmentent la survie sans progression (= stabilisation tumorale) (de quelques semaines) par rapport à l’absence de traitement (comparaison au bras placebo), mais n’apportent aucun bénéfice en termes de survie globale.

Cet échec rappelle les mises en garde prémonitoires de F Duffaud et P Therasse en 2000[13]. « Peu de traitements démontrant une activité anti tumorale en phase Il se traduisent par un bénéfice clinique en phase III… Le taux de réponses tumorales ne doit pas être l’unique objectif des études de phase III prospectives, randomisées et comparatives. Ces dernières doivent être suffisamment larges et avoir comme objectif(s) principal(aux) la survie globale ».

 

Avastin* : pas d’effet sur la durée de vie des patients mais complications graves.

L’examen de la balance avantages/risques doit également considérer les complications de l’avastin* : hypertension artérielle (6%), fatigue (asthénie), diarrhée et douleurs abdominales, protéinurie (3%). Les complications les plus graves sont des perforations gastro-intestinales (trous dans les intestins), des hémorragies (4%) et des thrombo-embolies artérielles (8%) responsables de décès chez 3% des malades traités.

Des bénéfices cliniques non démontrés et la toxicité importante de l’avastin* motivent le dernier avis[14] de la Haute Autorité de Santé : « AVASTIN n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu** (ASMR V), dans la prise en charge de1ère ligne du cancer bronchique non à petites cellules, non épidermoïde ». Il devrait être interdit, ou du moins non remboursé.

Curieusement en France, l’utilisation se poursuit dans cette indication encore en 2017 et a coûté 450 millions d’€ en 2015 à la sécurité sociale.

Progrès et innovation : une confusion au bénéfice de Big pharma et affidés.

Le mythe de l’innovation toujours synonyme de progrès a fait long feu ; la mise à disposition trop précoce de drogues nouvelles n’apporte souvent aucun bénéfice réel pour les malades et les exposent à des toxicités injustifiées[15], tout en ruinant nos systèmes de santé.

La défaillance des agences de régulation FDA et EMA qui ont autorisé la mise sur le marché d’un médicament globalement inutile et toxique est dramatique. Il est grand temps qu’elles reviennent à la mission pour laquelle elles ont été créées : la protection sanitaire des populations et qu’elles arrêtent de soutenir de principe l’industrie sous prétexte « d’innovation ». Un médicament ne doit être mis sur le marché que s’il est utile aux malades (cliniquement efficace) et peu dangereux.

La responsabilité de nos décideurs politiques doit être également soulignée. Depuis plus de dix ans, ils ruinent la sécurité sociale par une politique aberrante (ou complice ?) de prix. Le coût d’un traitement par atteint près de 40000 euros par an et par patient alors qu’il a rapporté plus de cinquante milliards de dollars depuis sa commercialisation. Incompétence ? Manque de courage politique ? Corruption ? Quelle qu’en soit la raison cette politique du « tout pour big pharma », si on la poursuit, elle entrainera à terme la disparition de la sécurité sociale.

 

[1] Alan Sandler Paclitaxel–Carboplatin Alone or with Bevacizumab for Non–Small-Cell Lung Cancer N Engl J Med 2006; 355:2542-2550

[2] M. Reck Overall survival with cisplatin–gemcitabine and bevacizumab or placebo as first-line therapy for nonsquamous non-small-cell lung cancer: results from a randomised phase III trial (AVAiL) Annals of Oncology 21: 1804–1809, 2010

[3] Nishio M et al. Randomized phase II study of first-line carboplatin-paclitaxel with or without bevacizumab in Japanese patients with advanced non-squamous non-small-cell lung cancer Lung Cancer 76 (2012) 362– 367

[4] Botrel TE,. Efficacy of bevacizumab (Bev) plus chemotherapy(CT) compared to CT alone in previously untreated locally advanced or metastatic non-small cell lung cancer(NSCLC): systematic review and meta-analysis. Lung Cancer 2011; 74(1): 89-97

[5] F. Barlesi et al Maintenance bevacizumab–pemetrexed after first-line cisplatin–pemetrexed–bevacizumab for advanced nonsquamous nonsmall-cell lung cancer: updated survival analysis of the AVAPERL (MO22089) randomized phase III trial Annals of Oncology 25: 1044–1052, 2014

[6] Patel J, Socinski MA, Garon EB et al. A Randomized, Open-label, Phase 3, Superiority Study of Pemetrexed(Pem) +Carboplatin (Cb) +Bevacizumab (B) followed by maintenance Pem+B versus Paclitaxel (Pac) +Cb+B followed by Maintenance B in patients with stage IIIB or IV Non-squamous Non-small Cell Lung Cancer. 2012 Chicago Multidisciplinary Symposium in Thoracic Oncology

[7] Herbst RS, Ansari R, Bustin F, et al. Efficacy of bevacizumab plus erlotinib versus erlotinib alone in advanced non-small-cell lung cancer after failure of standard first-line chemotherapy (BeTa): a double-blind,placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet 2011; 377: 1846–1854

[8] Roviello G No Advantage in Survival With Targeted Therapies as Maintenance in Patients With Limited and Extensive-Stage Small Cell Lung Cancer: A Literature-Based Meta-Analysis of Randomized Trials Clin Lung Cancer. 2016 Sep;17(5):334-340.

[9] Wakeneeh abstract PLEN03 03 World congress for lung cancer 2015 Denver 6 -9 sept 2015

[10] Les « méta analyses rassemblent les cas publiés dans de nombreuses études et tentent d’en faire la synthèse.

[11] Liza C. Villaruz The Role of Anti-angiogenesis in Non-small-cell Lung Cancer: an Update Curr Oncol Rep. 2015 June ; 17(6): 26

[12] Raphael J Antiangiogenic Therapy in Advanced Non-small-cell Lung Cancer: A Meta-analysis of Phase III Randomized Trials. Clin Lung Cancer. 2017 Jan 12. pii: S1525-7304(17)30004-9

[13] F Duffaud, P,Therasse : »nouvelles recommandations pour l’évaluation de la réponse tumorale dans les tumeurs solides » Bull du cancer 2000;87 (12): 881-6

[14] avis de mai 2016

[15]R R. Shah et al A fresh perspective on comparing the FDA and the CHMP/EMA: approval of

antineoplastic tyrosine kinase inhibitors Br J Clin Pharmacol / 76:3 / 396–411 2013

L’utilisation du Yondelis* dans le traitement des sarcomes des parties molles est-elle justifiée ?

L’histoire du Yondelis* (trabectédine) pour les sarcomes des parties molles montre qu’en France, un médicament inutile et toxique pour les malades peut malgré tout être remboursé à un prix très élevé et que, qui plus est, des sociétés savantes et associations de malades se mobilisent, non pas pour en dénoncer le prix, mais pour en prolonger le remboursement.

Le Yondelis* est une chimiothérapie cytotoxique extraite d’un petit animal marin et susceptible d’entraîner la régression tumorale de certains cancers et en particulier des sarcomes des parties molles.

 

YONDELIS ET AMM EUROPEENNE SUR UNE PHASE 2

L’AMM du Yondelis* pour les sarcomes des parties molles a été accordée par l’agence européenne du médicament (EMA) le 17/9/2007 sur les données de l’étude ET743-STS-201. Cet essai de phase II portait sur 270 patients souffrant de liposarcome ou de léiomyosarcome et avait pour but de déterminer le mode d’administration optimal du produit en comparant son administration hebdomadaire à son administration toutes les 3 semaines.

 

La médiane de « survie sans progression », nouvelle formulation trompeuse pour « maladie stable » évaluée sur une cible choisie, a été de 3,3 mois dans le groupe traité toutes les 3 semaines contre 2,3 mois dans le groupe traité chaque semaine. La médiane de survie globale n’a pas différé entre les deux posologies : 13,9 mois dans le groupe traité à la posologie toutes les 3 semaines vs 10,8 mois. La demande d’AMM ne comportait ni étude comparative à un placebo (ou à des soins de support), ni comparaison valable avec une cohorte historique permettant de juger de l’intérêt thérapeutique du médicament. Cet essai prouvait seulement que Yondelis* présentait une discrète efficacité sur la maladie, mais ne démontrait pas qu’il pouvait être utile aux malades.

 

AMM AMERICAINE SUR UNE ETUDE PIVOT

 

La Food and Drug Administration (FDA) américaine a d’ailleurs refusé jusqu’en octobre 2015 de délivrer une AMM, avant la présentation d’une nouvelle étude pivot[1] comparant le yondelis* à la dacarbazine. Cet essai, portant sur 518 patients proclamait une augmentation de la durée de stabilisation tumorale de 3 mois avec yondelis* par rapport à la dacarbazine (4.2 mois versus 1.5), mais une fois de plus sans augmentation significative de la médiane de survie globale.

 

EFFETS TOXIQUES DU YONDELIS*

 

Pour apporter un réel bénéfice aux malades, un médicament doit non seulement être très efficace, mais aussi peu toxique. Or cet essai avait évalué le médicament sur peu de malades (en tout 340 malades traités par Yondelis), suivis peu de temps avec évaluation des résultats à 6 mois), sans évaluation de leur qualité de vie. La publication initiale prétendait que la toxicité était faible, mais la pratique clinique ultérieure a malheureusement démenti ces affirmations optimistes.

 

Le traitement par Yondelis* expose à l’asthénie, anorexie, étourdissements, alopécie, céphalées, troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée ou constipation, douleurs abdominales, gastralgies) atteintes hépatiques (bien objectivées par l’augmentation des tests biologiques) infections bactériennes et virales, hypotension, atteintes rénales et cardiaques, la toxicité hématologique et même à des rhabdomyolyse mortelles[2], l’altération des tests hépatiques et l’élévation des CPK nécessitant une surveillance attentive.

 

EFFICACITE REELLE DU YONDELIS* : aucune amélioration de survie globale

 

Après près de 10 ans de prescription, aucun article rapportant les résultats de l’utilisation de yondelis* dans le traitement des sarcomes des parties molles métastatiques n’a mis en évidence d’amélioration significative de survie globale, que ce soit en pourcentage, en durée, ou en qualité. Ainsi aucun des 104 malades de l’article de l’EORTC n’a survécu plus de 3 ans[3] et sur les 350 patients décrits dans les 5 études des années 2000 (dont près de 20% n’étaient pas métastatiques) la survie médiane n’est que de 13 mois[4] .

 

En association avec l’adriamycine[5] [6] ou en préopératoire[7], les résultats ne sont pas plus démonstratifs. La revue Prescrire[8] place le yondelis* en bonne place dans sa liste des médicaments inutiles et dangereux en ces termes « sans efficacité tangible démontrée dans les sarcomes des tissus mous, expose à des effets indésirables graves très fréquents, digestifs, hématologiques et hépatiques ».

 

Dans ses avis du 2/4/2008 et du 24/7 /2013 confirmés le 13/4/2016, la Haute Autorité de Santé estime que «la spécialité Yondelis n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu dans la prise en charge des patients atteints d’un liposarcome ou d’un léiomyosarcome, en échec à un traitement à base d’anthracyclines ou d’ifosfamide ».

Le yondelis* n’ayant pas permis de guérir un seul malade atteint de sarcome des parties molles métastatique, ni réussi à prolonger significativement la survie globale des patients, ni à améliorer le confort de la survie, est en effet inutile d’autant plus que sa toxicité expose les malades à des complications graves, parfois mortelles.

 

A la suite de la confirmation finale (3ème avis) par la HAS de l’absence d’Amélioration du Service Médical Rendu, la ministre a voulu logiquement supprimer le remboursement du yondelis* et rayer son inscription sur la liste en sus[9].

Las! Une association de patients et plusieurs sociétés scientifiques liées directement (par leur financement) ou indirectement (par leurs membres influents) au laboratoire ont lancé une campagne grand public en grande partie mensongère, proclamant par exemple :

« Condamnés à mort ! Voilà ce que nous sommes ! Voilà le sort que réservent les autorités de santé françaises aux patients atteints de sarcomes[10]…trabectedine (Yondelis® – Pharmamar) critiquée, sans argument scientifique[11]… Elle représente une perte de chance considérable pour les patients concernés[12] … l’impact dramatique[13] que pourrait générer le déremboursement de la Trabectedine chez les patients porteurs de sarcome… alors que des patients inclus dans les études cliniques initiales de la Trabectedine, au début des années 2000 sont toujours en vie en 2013 grâce à ce médicament[14]…. Le déremboursement de la Trabectedine ..porte un grave préjudice à la prise en charge des patients atteints de sarcomes des tissus mous en rechute ». 

Et la ministre sous pression a désavoué la HAS et la revue Prescrire et prolongé le remboursement au lieu de diffuser les informations scientifiques vraies aux malades et rappeler les liens d’intérêts des signataires de l’appel avec le laboratoire. Cela confirme l’opinion de Xavier Bertrand[15] « Marisol Touraine n’arrive pas à résister à la pression de l’industrie pharmaceutique ».

La délivrance très discutable de l’autorisation de mise sur le marché du Yondelis* sur la foi d’un essai qui ne prouve pas que le médicament est réellement utile, montre la faillite de l’agence européenne du médicament. Créée pour protéger la population des dangers des traitements inutiles ou dangereux, elle se consacre maintenant avant tout au soutien de l’innovation en confondant innovation et progrès.

Pour mettre au plus tôt les médicaments sur le marché, elle ne prend plus le temps de vérifier s’ils seront utiles aux malades, si leur balance avantages/risques est favorable. Il est temps que l’EMA coupe les multiples liens d’intérêts qui la lie trop étroitement aux entreprises du médicament[16] et se réoriente vers la sécurité sanitaire et ne plus mettre sur le marché des médicaments inutiles et toxiques.

Cette triste histoire montre aussi le naufrage de la politique française du médicament menée depuis plus de 15 ans et le manque de courage de la ministre. Car ce médicament inutile et dangereux est payé à un prix beaucoup plus élevé que les chimiothérapies conventionnelles [17]! (De l’ordre de 2500 € toutes les 3 semaines versus moins de 300 € pour la plupart des chimiothérapies classiques).

 

En cette période où le déficit des systèmes solidaires de santé menace leur existence même, on ne peut plus tolérer de payer des sommes très élevées pour des résultats aussi décevants. Le soutien à l’innovation, prétexté par le ministère de la santé pour justifier cette gabegie, ne vise en réalité qu’à satisfaire le lobby pharmaceutique, leurs affidés. Si un tel soutien était économiquement ou politiquement justifié, il devrait dépendre du ministère de la recherche ou de l’industrie et ne pas grever le budget de la sécurité sociale ou la ministre devrait utiliser la licence obligatoire si elle souhaite vraiment le laisser à disposition des patients.

[1] Demetri GD et al. Efficacy and safety of trabectédine or dacarbazine for metastatic liposarcoma or leiomyosarcoma after failure of conventional chemotherapy : Results of a phase III randomized multicenter clinical trial. J Clin Oncol. 2016;34(8):786–93

[2] Grosso A comprehensive safety analysis confirms rhabdomyolysis as an uncommon adverse reaction in patients treated with trabectedin Cancer Chemother Pharmacol (2012) 69:1557–1565

[3] A. Le Cesne,Phase II Study of ET-743 in Advanced Soft Tissue Sarcomas: AnEORTC Soft Tissue and Bone Sarcoma Group Trial J Clin Oncol 23:576-584. © 2005

[4] A L Cesne Trabectedin is a feasible treatment for soft tissue sarcoma patients regardless of patient age: a retrospective pooled analysis of fivephase II trials British Journal of Cancer (2013) 109, 1717–1724

[5] Jean-Yves Blay A Phase I Combination Study of Trabectedin and Doxorubicin in

Patients With Soft Tissue Sarcoma Clin Cancer Res. 2008 October 15; 14(20): 6656–6662

[6] M. von Mehren A phase I study of the safety and pharmacokinetics of trabectedin in combination with pegylated liposomal doxorubicin in patients with advanced malignancie Annals of Oncol 19: 1802–1809, 2008

[7] A. Gronchi Phase II clinical trial of neoadjuvant trabectedin in patients with advanced localized myxoid liposarcom Annals of Oncology 23: 771–776, 2012 a

[8] Revue prescrire n° 326 p. 892)

[9] Créée en 2003 par le premier plan cancer, liste spéciale des médicaments hors groupe homogènes payés hors T2A directement au laboratoire.

[10] Rappelons que Yondélis n’a pas permis de guérir un seul malade métastatique et qu’aucune preuve n’existe qu’il soit capable d’en prolonger la survie

[11] Alors qu’il n’existe aucune preuve scientifique de l’utilité du produit, lire la Revue prescrire du 27 janvier 2017 , yondelis* médicament à éviter

[12] Comment prétendre qu’il y a une perte de chance alors que Yondelis* ne guérit pas un seul malade ?

[13] Diminuer les complications de ce médicament plus toxique qu’utile ?

[14] Curieusement aucune actualisation de cette étude n’a été publiée dans aucun journal international à comité de lecture ! et les courbes de survie des malades métastatiques traités par Yondelis* tendent constamment vers zéro à 3 ans

[15] D’après G Fleitour publié LE 19/04/2013 dans Usine Nouvelle.

[16] Lire le communiqué de presse conjoint, Health Action International (HAI) Europe, l’International Society of Drug Bulletins (ISDB) et le Collectif Europe et Médicament du 15 mai 2012 et « Agence européenne du médicament : confite d’intérêts » Rev Prescrire 2012 ; 32 (345) : 535.

[17]

Prix ou tarif de responsabilité (HT) par UCD : UCD 9290519 (Fl /0,25 mg) : 201,847 euros.
UCD 9290525 (Fl /1 mg) : 807,389 euros.
Dans l’indication « Cancer de l’ovaire » : inscrit sur la liste des spécialités prises en charge en sus des GHS.
Dans l’indication « Sarcome des tissus mous évolué » : financé à titre exceptionnel dans le cadre des dotations MIGAC sur la base du tarif de responsabilité, dans la limite de 1M euro(s) pour l’année 2016.

 

Le Votrient* (pazopanib) dans le traitement des sarcomes des parties molles est -il utile ?

L’histoire du votrient*, pour le traitement des sarcomes des parties molles, montre qu’en France un médicament inutile et toxique pour les malades peut être remboursé à un prix astronomique. Le votrient* est un « inhibiteurs de protéines kinases) » avec une activité antiangiogénique[1]. Il est supposé entraîner la régression tumorale de certains cancers et en particulier de certains types de sarcomes des parties molles.

 

ETUDE PIVOT COURTE, SUR PEU DE PATIENTS ET AMM EXPRESS

L’AMM[2] du Pazopanib a été approuvée en première intention pour les sarcomes des parties molles par la Food and Drug Administration (FDA) américaine le 26 avril 2012, puis par l’agence européenne du médicament (EMA) le 24 mai 2012 sur la foi de la « pivotal randomized phase III study » (VEG110727)[3].

Cette étude pivot proclamait une augmentation de la stabilisation de la tumeur de 3 mois avec Votrient* par rapport au placebo (4.6 mois versus 1.6) mais avec une accélération de l’évolution post stabilisation, aboutissant au final à l’absence d’augmentation significative de la médiane de survie globale (p=0.26). Cet essai montrait que Votrient* était un peu efficace sur la maladie, mais ne démontrait pas qu’il pouvait être utile aux malades.

 

VOTRIENT* ET TOXICITE

Pour apporter un réel bénéfice aux malades, un médicament doit non seulement être très efficace, mais aussi peu toxique (en tous cas, rapport bénéfices -risques favorable). Or l’essai pivot à l’origine de l’AMM avait évalué le médicament sur peu de malades (en tout 246 malades traités par votrient*), suivis peu de temps (en moyenne 12 mois), ne permettant donc pas d’évaluer réellement les toxicités.

 

La publication initiale prétendait que la toxicité était faible, mais la pratique clinique ultérieure a malheureusement démenti ces affirmations optimistes.

 

EFFETS SECONDAIRES NOMBREUX ET SOUVENT GRAVES

Le traitement par Votrient* expose à des accidents cardiaques parfois mortels[4], des atteintes hépatiques (3.8%) parfois létales également [5], des thromboses veineuses et artérielles (3%), embolies, diarrhées (3%), hémorragies (15%) parfois fatales[6], hypertension (40%), nausées (26%), et vomissements (21%),perforations gastriques et fistules gastro-intestinales (0.5%), pneumothorax[7], pneumopathies interstitielles[8], pancréatites[9], une anorexie parfois symptomatique d’une hypothyroïdie, des syndromes de leuco encéphalopathie postérieure réversible (SLPR) soit une détérioration cérébrale rapide et souvent fatale, un changement de couleurs de cheveux (38%) … Bref une longue liste qui n’incite guère à la prescription, sauf si les chances de guérison étaient nettement améliorées l’emportant sur les conséquences fâcheuses de la drogue …

 

 

 

VOTRIENT* ET EFFICACITE REELLE SUR LA DUREE DE VIE DES PATIENTS

 

Aucun article[10] [11] [12]rapportant les résultats de l’utilisation de Votrient* dans le traitement des sarcomes des parties molles métastatiques n’a mis en évidence d’amélioration significative de survie globale, que ce soit en pourcentage, en durée, ou en qualité. De même, l’utilisation du votrient* en préopératoire n’apporte pas d’amélioration de survie et augmente la toxicité[13].

 

AUCUNE EFFICACITE, EFFETS SECONDAIRES LOURDS : AUCUNE JUSTIFICATION AMM NI REMBOURSEMENT

 

Le Pharmaceutical Benefits Advisory Committee australien[14] a refusé le remboursement en motivant sa décision en ces termes[15] « globalement le PBAC considère que la prétention d’une efficacité supérieure (du Votrient* par rapport au placebo) sur la survie globale n’est pas suffisamment argumentée. Par contre la toxicité plus importante est certaine ».

Dans son avis du 9 /1 /2013, la Haute Autorité de Santé estime l’Amélioration du Service Médical Rendu faible (ASMR IV) et constate « l’analyse finale de la survie globale effectuée à 76% (280/369) des événements n’a montré aucune différence entre pazopanib et placebo ».

 

L’augmentation du pourcentage de guérison, ou au moins la prolongation significative de la survie sont les principales demandes des malades et constituent pour cette raison l’étalon or de l’utilité clinique d’un médicament. Le votrient* n’a pas permis de guérir un seul malade atteint de sarcome des parties molles métastatiques, ni réussi à prolonger la survie, ni à en améliorer le confort[16]. Le Votrient* ne remplissant aucun de ces objectifs, se révèle donc inutile. D’autant plus que sa toxicité importante expose le malade à des complications graves, parfois mortelles. On comprend donc mal que ce médicament ne soit pas retiré du marché et encore moins qu’il soit remboursé dans cette indication et à quel prix …

 

CONFLITS D’INTERET, SOURCE DE TROP DE MAUX ET GABEGIE

 

Les liens d’intérêts de certains auteurs et de rédacteurs de recommandations avec les entreprises du médicament expliquent peut-être que de trop nombreux articles, mais aussi de prestigieuses sociétés – telle la Société Européenne d’Oncologie Médicale[17] (ESMO)- conseillent le Votrient* comme traitement des sarcomes des parties molles métastatiques. Alors qu’il ne guérit aucun malade, qu’il est incapable de prolonger significativement la survie des malades traités et que sa toxicité diminue leur qualité de vie.

 

L’autorisation de mise sur le marché du Votrient* confirme la faillite des agences américaine et européenne du médicament. Dans le cadre de l’UE, la France via son agence du médicament est contrainte de commercialiser les médicaments ayant obtenu une AMM européenne, seul le remboursement et son niveau dépendent du gouvernement national.

 

Créées pour protéger la population des dangers des traitements inutiles ou dangereux, les agences se consacrent maintenant, avant tout au soutien de l’innovation, confondant innovation et progrès. Pour mettre au plus tôt les médicaments sur le marché, elles ne prennent plus le temps de vérifier s’ils seront utiles aux malades, si leur balance avantage/risque est favorable.

Pour l’AMM du votrient*, elles n’ont, comme trop souvent, considéré que la « survie sans progression » nouveau terme orwellien pour parler de la classique « stabilisation tumorale » jugée sur une cible choisie, et négligé l’absence de gain significatif de survie globale, alors que ce dernier critère est celui qui est utile aux malades.

 

Il est temps que les agences du médicament se réorientent prioritairement vers la sécurité sanitaire, afin de ne plus mettre sur le marché des médicaments inutiles et toxiques et de surcroit ruineux (ce qui serait évitable dans tous les cas de figure, le prix dépendant du pays).

Cette triste histoire montre aussi le naufrage de la politique française du médicament menée depuis plus de 15 ans. Ce médicament inutile et dangereux est payé au laboratoire à un prix vingt fois plus cher que les chimiothérapies conventionnelles (via la fameuse liste en sus) ! Sur quels arguments, quelles justifications ?[18]

 

A cause de son prix, le système de sécurité sociale australien l’a exclu du remboursement. Mais pas la France ! En cette période où le déficit des systèmes solidaires de santé menace leur existence même, on ne peut plus tolérer de payer des sommes astronomiques pour des résultats aussi décevants. Le soutien à l’innovation, prétexté par le ministère de la santé pour justifier cette gabegie, ne vise en réalité qu’à satisfaire le lobby pharmaceutique et ses affidés. Si un tel soutien était économiquement justifié, il devrait dépendre du ministère de la recherche ou de l’industrie et ne pas grever le budget de la sécurité sociale dont l’objectif primordial est le soin et non la recherche. Par ailleurs, le ministère de la santé dispose du dispositif de la licence obligatoire pour commercialiser le médicament à un prix bas, il le juge indispensable.[19]

[1] Visant les récepteurs du facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGFR1, VEGFR2, et VEGFR3), les récepteurs du facteur de croissance plaquettaire (PDGFRα et PDGFRβ) et le récepteur du facteur de cellule souche (c-KIT).

[2] Autorisation de mise sur le marché

[3] Van der Graaf WT, Blay JY, Chawla SP, et al. Pazopanib for metastatic soft tissue sarcoma (PALETTE): a randomised, double-blind, placebo-controlled phase 3 trial. Lancet. 2012; 379:1879–1886. Pivotal phase III study of pazopanib in sarcomas leading to FDA approval.

[4] Van Marcke C Rapid and fatal acute heart failure induced by pazopanib. BMJ Case Rep. 2015 Sep 2;2015

[5] Santé Canada alerte du 6 aout 2011 VOTRIENT® est associé à une hépatotoxicité, y compris une insuffisance hépatique, voire le décès

[6] K Kawasaki Fatal hemorrhage in a patient with advanced soft tissue sarcoma following radiation and pazopanib treatment: A case report ONCOLOGY LETTERS 11: 2408-2410, 2016

[7] Kenji Nakano Risk factors for pneumothorax in advanced and/or metastatic soft tissue sarcoma patients during pazopanib treatment: a single-institute analysis BMC Cancer (2016) 16:750

[8]Shotaro Ide Interstitial Lung Disease Induced by Pazopanib Treatment Intern Med 56: 79-83, 2017

[9] Kazumichi Kawakuboa Pazopanib-Induced Severe Acute Pancreatitis Case Rep Oncol 2015;8:356–358

[10] Kitamura S Pazopanib does not bring remarkable improvement in patients with angiosarcoma. J Dermatol. 2016 Aug 29.

[11] Akira Kawa A randomized, double-blind, placebo-controlled, Phase III study of pazopanib in patients with soft tissue sarcoma: results from the Japanese subgroup Japanese Journal of Clinical Oncology, 2016, 46(3) 248–253

[12] Plummer R et al. A phase I study of pazopanib in combination with gemcitabine in patients with advanced solid tumors. Cancer Chemother Pharmacol. 2013;71(1):93–101

[13] RODRIGO R. MUNHOZ A Phase Ib/II Study of Gemcitabine and Docetaxel in Combination With Pazopanib for the Neoadjuvant Treatment of Soft Tissue Sarcomas TheOncologist 2015;20:1245–1246

[14] PBAC

[15] Public Summary Document November 2012 PBAC Meeting

[16] Corneel Coens Health-Related Quality-of-Life Results From PALETTE: A Randomized, Double-Blind, Phase 3 Trial of Pazopanib Versus Placebo in Patients With Soft Tissue Sarcoma Whose Disease Has Progressed During or After Prior Chemotherapy—A EORTC Soft Tissue and Bone Sarcoma Group Cancer September 1, 2015

[17] Soft tissue and visceral sarcomas: ESMO Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up†

The ESMO/European Sarcoma Network Working Group*Annals of Oncology 25 (Supplement 3): 102–112, 2014

[18] Prix : 749.29 € trente comprimés à 200 mg, dose recommandée 800 mg / jour soit près de 100 €/ jour et 3000 €/ mois

[19] Cf in « soigner ou obéir » éditions Michalon 2017 N et G Delépine

Colloque  « Surmédicalisation et sous médicalisation » du 29 avril 2017

Par G. Delépine N. Delépine, S Alkhallaf

Depuis une quinzaine d’années, l’autorisation de mise sur le marché des thérapies innovantes est accordée après une ou parfois deux études courtes contre placebo et sur peu de malades.

Pour voir si ces études pivots sont fiables nous avons comparé leurs résultats initiaux aux résultats publiés avant le premier avril 2017.

Télécharger l’article en cliquant ici.

 Analyse des études de thérapies ciblées en cancérologie.

Peut-on avoir confiance en un médicament mis sur le marché parce qu’il apporte un gain de survie sans progression ? 

Colloque  « Surmédicalisation et sous médicalisation, surdiagnostics et surtraitements » – Bobigny – 29 avril 2017

Par : G. Delépine N. Delépine, S Alkhallaf 

Conclusions

•Lors d’essais de thérapies ciblées en cancérologie des tumeurs solides les plus fréquentes, le gain éventuel de durée de survie sans progression ne préjuge ni d’un gain de durée de survie globale ni d’une balance avantages/risques favorable

•La durée de survie sans progression (stabilisation tumorale) ne constitue pas un substitut fiable de la durée globale de survie ni un critère pertinent d’utilité pour les malades traités par thérapies ciblées =>

–> Privilégier la durée de stabilisation tumorale pour décerner l’AMM.

Télécharger l’intégralité de l’article en cliquant ici.

 

Jevtana* et cancer de la prostate[1] : exemple d’intervention ouverte des lobbies et d’associations de patients.

Par N. et G. Delépine mars 2017

L’histoire du Jevtana* dans le cancer de la prostate montre comment agissent les big pharma lorsque leurs exigences tarifaires ne sont pas satisfaites.

Le Jevtana*(cabazitaxel) est un agent de chimiothérapie cytotoxique de la famille des taxanes, légèrement efficace sur les cancers de la prostate devenus résistants à l’hormonothérapie et à la chimiothérapie de référence.

Ce traitement ne permet de pas de guérir ce cancer et vise seulement à ralentir la progression de la maladie et à améliorer le confort de vie.

Il a bénéficié d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) en 2010 par la Food and Drug Administration américaine (FDA) puis de l’agence européenne du médicament (EMA) sur la foi de l’étude pivot TROPIC[2].

Celle-ci affirmait (sur 755 patients) que son administration augmenterait de 42 jours la durée médiane de stabilisation tumorale et de 75 jours la survie par rapport à la mitoxantrone seule.

EFFICACITE NON DEMONTREE, EFFETS SECONDAIRES SEVERES

Mais, d’après l’institut NICE[3]du Québec « Les études soumises pour cette évaluation de l’efficacité et de l’innocuité de Jevtana* sont de faible niveau de preuve … L’absence de données pertinentes sur la qualité de vie est déplorée.»[4]. La revue Prescrire[5] est encore plus précise : « effets indésirables graves fréquents et parfois mortels. Un surcroît de décès lié au traitement a été observé chez les patients sous cabazitaxel qui expose, de plus, à un risque élevé d’interactions avec de nombreux médicaments. L’ensemble de ces données ne justifie pas de recourir au cabazitaxel, qui ne devrait être utilisé que dans le cadre d’essais cliniques rigoureux. Mieux vaut se concentrer sur des soins palliatifs de qualité, en cas d’échec thérapeutique ».

De plus, depuis cette étude pivot aux résultats incertains et malgré les huit ans écoulés, aucun essai randomisé n‘a retrouvé le bénéfice de survie annoncé…

 

AMM ET PERTE D’INDEPENDANCE DE LA FRANCE

Ce n’est plus la France qui décide d’autoriser un médicament à la vente sur son propre territoire, mais l’EMA, agence du médicament de l’Union Européenne. Tout médicament autorisé par l’EMA l’est obligatoirement sur le territoire de la nation, le rôle de l’agence française ayant été réduit à celui d’une chambre d’enregistrement.

La défaillance de l’EMA qui a délivré l’autorisation de mise sur le marché à un médicament inutile et toxique sur la foi d’un unique essai de phase III -et n’a pas voulu la remettre en cause malgré l’absence d’études complémentaires précisant les points litigieux- est attristante.

Elle confirme que son objectif prioritaire est devenu le soutien à l’industrie sous prétexte de favoriser l’innovation.

L’innovation n’est pas pourtant pas toujours synonyme de progrès ainsi qu’en témoigne l’invention de la bombe atomique. La mise sur le marché précipitée de drogues innovantes n’apporte trop souvent aucun bénéfice pour les malades et les expose à des toxicités parfois importantes.

Il faut que les agences du médicament reviennent à la mission pour laquelle elles ont été créées : la protection des populations. Un médicament ne doit être mis sur le marché que s’il est utile (d’après ses effets réels sur la durée de vie et la qualité de vie) et non dangereux, surtout lorsque ce médicament n’est pas l’unique possibilité thérapeutique (ce qui est le cas ici). Après traitement par docetaxel devenu moins efficace chez un patient donné, on peut en effet recourir à des soins palliatifs de qualité qui donnent souvent une meilleure qualité de vie que les anticancéreux, et voire à l’ abiratérone (Zitiga)[6], à l’Enzalutamide (Xtandi)[7] ou au retraitement avec le docetaxel, option possible en troisième intention pour les patients y ayant déjà bien répondu[8] [9]. Notons que l’intérêt de Zitiga* et Xtandi* est également très discutable et détaillé ailleurs.[10]

 

ESPACE DE LIBERTE DES AUTORITES FRANCAISES : LE TAUX DE REMBOURSEMENT AUTORISE ET LE PRIX ACCORDE

Pour protéger la population qui ne l’est plus suffisamment par l’agence du médicament de l’UE, notre gouvernement peut utiliser le refus du remboursement.

Dans un premier temps, suivant l’exemple des NICE britannique et québéquois, la ministre n’a pas autorisé le remboursement du Jevtana* dont le rapport coût-efficacité est trop élevé (dix fois plus cher que le docetaxel, son cousin, pourtant plus efficace et qui constitue toujours la chimiothérapie de référence!). Elle suivait ainsi l’avis de la Haute Autorité de Santé qui précise[11]    « JEVTANA apporte une amélioration du service médical rendu mineure (ASMR IV)».

Le laboratoire Sanofi a alors recouru à une campagne de pression grand public. Le journal « le Parisien » publia un article[12] déplorant le retard de décision de remboursement, sans mentionner les graves incertitudes sur l’utilité réelle du médicament, ni les liens d’intérêts du médecin interrogé[13], qui présentait le jevtana comme « médicament sans équivalent».

Un groupe de cancérologues s’appuyant sur l’AMM ont ensuite écrit au ministre[14] pour demander le remboursement, oubliant eux aussi de mentionner leurs liens d’intérêts[15] avec Sanofi-Aventis. Puis, une association de malades très fortement dépendante de Sanofi[16] a interpellé l’opinion par un communiqué de presse relayé par l’agence France-Presse et France-Info. Il faut d’ailleurs souligner que les experts de son comité scientifique sont presque tous très largement rémunérés par Sanofi12.

 

LE MINISTERE A PLIE DEVANT LE LOBBY : REMBOURSEMENT ET PRIX DELIRANT

La responsabilité de nos décideurs politiques est considérable. Au lieu de rappeler l’état actuel de la science : l’utilité non prouvée pour les malades et la toxicité de ce produit, la ministre accepta finalement le remboursement à 5000 euros le mois. Et ce, sans rappeler les liens d’intérêts des intervenants qui auraient éclairé leurs motivations[17].

En France le ministère par son Comité économique des produits de santé fixe les prix. Le coût d’un traitement par Jevtana* atteint près de 5000 euros par mois et par patient (contre 500 pour le docetaxel).

 

ARME ABSOLUE CONTRE PRIX DELIRANTS : LA LICENCE OBLIGATOIRE

Dans les négociations, le ministre dispose d’une arme absolue : la licence obligatoire prévue dans les accords de l’OMC. En cas de médicament considéré comme vital, tout gouvernement peut suspendre l’application du brevet pour permettre à sa population de bénéficier des traitements à un prix équitable.

Le prix actuel des médicaments menace directement notre système de protection sociale, notre compétitivité industrielle (du fait des charges sociales qu’il contribue à augmenter), et la vitalité de notre économie par les prélèvements obligatoires supplémentaires des mutuelles santé et du RDS qui assèchent le pouvoir d’achat de la population.

Depuis plus de dix ans nous gouvernants ruinent la sécurité sociale par une politique aberrante (ou complice ?14) de prix. Le Jevtana* va couter près de 100 millions d’euros à la collectivité en 2016 pour un bénéfice nul pour les malades. Incompétence ? Manque de courage politique ? Corruption ? Quelles qu’en soient les raisons, cette politique du « tout pour big pharma », si on la poursuit entrainera à terme la faillite de la sécurité sociale.

POLITIQUE NON INÉLUCATBLE

Les pays anglo-saxons (Angleterre, Australie, Québec..) se sont dotés d’Instituts Nationaux d’Excellence en Santé (NICE), qui n’acceptent le remboursement que si le rapport efficacité/prix est raisonnable. Quand choisira-t-on en France une politique favorable aux patients plutôt qu’aux financiers ?

 

[1] Cf les bonnes   Cancer questions à poser à mon médecin N et G Delépine éditions Michalon 2017 Page 152

[2] de Bono JS Prednisone plus cabazitaxel or mitoxantrone for metastatic castration-resistant prostate cancer progressing after docetaxel treatment: a randomised open-label trial. Lancet. 2010 Oct 2;376(9747):1147-54

[3] NICE Institut national d’excellence en santé

[4] Institut national d’excellence en santé du Québec, février 2015, avis de refus.

[5] « Cabazitaxel (Jevtana°). Trop toxique, pour une efficacité trop incertaine » Rev Prescrire 2011 ; 31 (336) :

[6] Fizazi, K. et abiratérone acetate for treatment of metastatic castration-resistant prostate cancer: final overall survival analysis of theCOU-AA-301 randomised, double-blind, placebo controlled

phase 3 study. Lancet Oncol 2012 13: 983–992

[7] A S. Merseburger An update on enzalutamide in the treatment of prostate cancer Ther Adv Urol

2015, Vol. 7(1) 9–21

[8]R Petrioli, Is there still a place for docetaxel rechallenge in prostate cancer? World J Clin Oncol 2015 October 10; 6(5): 99-103

[9] M NAKANO effectiveness, low-dose docetaxel, estramustine and prednisolone combination

chemotherapy for castration-resistant prostate cancer. Molecular Clinical Oncology 4: 942-946, 2016

[10]   ibid réf 1 chapitre cancer de la prostate

[11] Avis 19 10 2011

[12] Le Parisien actualité du 28 4 2013 «  Jevtana, un médicament efficace mais… indisponible »

[13] dr Philippe Beuzeboc médecin à l’institut Curie lié financièrement avec les laboratoires Aventis et Jansen

[14] Lettre ouverte du 22 mai 2013

[15] La plupart d’entre eux sont rémunérés par Sanofi, comme Conseillers du laboratoire à un niveau financier que la loi ne permet pas de connaitre, car les contrats commerciaux ne sont pas déclarés sur le site « transparence-santé.gouv ».

[16] A ce jour les sponsors pharmaceutiques déclarés de l’association Anamacap sont Sanofi (47500 euros) et Amgem (5000 euros).

[17] Les arrêtés d’application signés par MS Touraine ont exclu les contrats commerciaux de la déclaration obligatoire prévue par la loi anti corruption de 2011 prolongeant ainsi l’opacité des conflits d’intérêts.

Sutent* (sunitinib) dans le cancer du rein

Dr G Delépine, chirurgien, oncologue et statisticien

L’histoire du sutent* et du cancer du rein illustre l’inefficacité des agences de régulation du médicament et les conséquences de la politique menée par le ministère de la santé depuis plus de 15 ans privilégiant l’industrie au détriment des malades et de notre système de santé solidaire.

Le sutent (sunitinib) est un « antityrosine kinase » qui inhibe les récepteurs épithéliaux de facteur de croissance vasculaire (VEGFRs) et est susceptible de ralentir ainsi la croissance des cancers.

Il a bénéficié une AMM européenne en 2007 puis d’une AMM par la FDA en janvier 2008 sur la foi d’un essai pivot[1] réalisé par des auteurs liés financièrement au laboratoire. Cet essai proclamait une amélioration substantielle de la médiane de survie sans progression (11 mois contre 5) mais sans bénéfice significatif sur la survie globale. En aout 2009 un article des mêmes auteurs, affirmait une amélioration de la durée médiane de survie (26.4 mois contre 21.8) sur 750 patients inclus dans 101 centres sur 5 continents[2] [3]. Mais les conclusions de cette dernière étude étaient incertaines du fait de nombreux biais détaillés par M. Stadler [4].

Ces incertitudes sur les résultats du sutent ont été renforcées en 2015, par l’analyse finale de l’étude « global expanded access » portant sur 4543[5] patients traités par SUTENT. Le taux de réponse objective n’est que de 16% et la survie médiane ne dépasse pas 18.7 mois ,c’est-à-dire égale ou inférieure à la durée médiane de survie des malades traités par interféron seul dans les études de Atzpodien(2002)[6] et Escudier (2010)[7]. Les dernières publications sur le sutent évaluent à 23-24 mois la durée médiane de survie [8], mais les malades métastatiques traités récemment bénéficient plus fréquemment qu’auparavant de néphrectomie qui augmente la durée de survie et l’espérance de guérison, rendant les comparaisons historiques trompeuses.

Ces résultats incertains ont relégué le sutent en deuxième ligne thérapeutique , après échec d’autres thérapeutiques ciblées telles que le sorafénib[9] sans que son impact réel sur la survie des patients ne puisse être clairement prouvé mais il reste curieusement recommandé en première ligne thérapeutique par l’NCCN en 2016[10]

Cette efficacité très incertaine du Sutent sur la survie globale des malades souffrant de cancers métastatiques est confirmée par l’inefficacité certaine en situation adjuvante telle qu’elle a été démontrée par l’étude Assure[11].

Il faut aussi tenir compte des complications du Sutent : épuisement (18% des malades traités), hypertension, (16%), syndrome pied main (33%), diarrhées (10%), hypothyroïdie sévère5 (4%), baisse des plaquettes sanguines (10%), et des globules blancs (7%), phlébites et embolies (1.3%)[12], accidents cardiaques et toxicité hépatique pouvant entraîner la mort. Des complications sévères nécessitant une prise en charge médicale ont émaillé les traitements de 57% des patients obligeant les médecins à réduire les doses initialement prescrites de 50 mg à 37.5 mg.

En aout 2015, J.Larkin Paine A, Foley G, Mitchell S, Chen[13] (tous employés ou fortement liés au laboratoire commercialisant le Sutent) n’hésitaient pourtant pas à prétendre : « les résultats de notre méta analyse suggèrent qu’il n’existe pas de traitement meilleur que le Sunitinib en première ligne du traitement du cancer du rein avancé » !!. Faut-il voir ici une tentative de sauver les ventes en faisant oublier les résultats récemment publiés?

Pour les patients, seul compte le bénéfice clinique réel. Un traitement utile n’est pas celui qui obtient seulement une « réponse transitoire » définie sur l’imagerie médicale, mais celui qui guérit le malade ou au moins augmente considérablement la durée de sa survie globale en maintenant des conditions de vie confortables. Or, à ce jour, l’examen critique de la littérature montre que ce n’est pas les cas du Sutent. N’apportant aucun espoir de guérison, très peu ou pas efficace sur l’amélioration de l’espérance de survie ni sur sa durée médiane, toxique et très cher, le Sutent* ne paraît plus justifier les AMM, ni les recommandations actuelles.

Les insuffisances des agences de régulation qui ont autorisé la mise sur le marché d’un médicament globalement inutile et toxique sur un critère subjectif (durée de stabilisation tumorale) sont criantes. Il est grand temps qu’elles se consacrent de nouveau à la mission pour laquelle elles ont été créées : la protection sanitaire des populations et qu’elles arrêtent de soutenir prioritairement l’industrie (« l’innovation » ne constitue pas toujours un progrès !). Un médicament ne doit être mis sur le marché que s’il est utile (cliniquement efficace) et peu dangereux.

La responsabilité de nos décideurs politiques est écrasante. Depuis plus de dix ans, ils ruinent la sécurité sociale par une politique aberrante (ou complice ?) de prix. Le prix de ce médicament de 5675 euros par cycle de 6 semaines, aboutit à un coût annuel moyen par malade d’environ 50.000 euros… Incompétence ? Manque de courage politique ? Corruption ? Quelle qu’en soit la raison, cette politique du « tout pour big pharma », si on la poursuit entrainera à terme la disparition de la sécurité sociale.

 

 

[1] Motzer et coll. Sunitinib versus interferon alfa in metastatic renal-cell carcinoma. N Engl J Med. 2007 Jan 11;356(2):115-24

[2] Motzer. et al. (2009) Phase I trial of sunitinib malate plus interferon-alpha for patients with metastatic renal cell carcinoma. Clin GenitourinCancer 7: 28–33

[3] R Motzer et coll Overall Survival and Updated Results for Sunitinib Compared With Interferon Alfa in Patients With Metastatic Renal Cell Carcinoma J Clin Oncol. 2009 Aug 1; 27(22): 3584–3590

[4] M. Stadler Effective Therapy for Metastatic Renal Cancer, Whither to Now J Clin Oncol. 2009 27 no. 22 3573-3574

[5] M E Gore Final results from the large sunitinib global expanded-access trial in metastatic renal cell carcinoma British Journal of Cancer (2015) 113, 12–19

[6] J. Atzpodien et coll Thirteen-year, long-term efficacy of interferon 2α and interleukin 2-based home therapy in patients with advanced renal cell carcinoma CancerVolume 95, Issue 5, pages 1045–1050, 1 September 2002

[7] Escudier Phase III trial of bevacizumab plus interferon alfa-2a in patients with metastatic renal cell carcinoma (AVOREN): final analysis of overall survival J Clin Oncol. 2010 May 1;28(13):2144-50

[8] Daniel Keizman, Is There a « Trial Effect » on Outcome of Patients with Metastatic Renal

Cell Carcinoma Treated with Sunitinib? Cancer Res Treat. 2016;48(1):281-287

[9] Eichelberg, et al. (2008) Sequential use of the tyrosine kinase inhibitors sorafenib and sunitinib in metastatic renal cell carcinoma: a retrospective outcome analysis. Eur Urol 54: 1373–1378.

Eichelberg, C et al. (2015) SWITCH: a randomized, sequential, open-label study to evaluate the efficacy and safety of sorafenib-sunitinib versus sunitinib-sorafenib in the treatment of metastatic renal cell cancer. Eur Urol 68: 837–847.

[10] NCCN Panel Members (2016a) NCCN Guidelines Kidney Cancer. Version 2.2016.

N.B.Haas initial results from ASSURE (E2805): Adjuvant sorafenib or sunitinib for unfavorable renal carcinoma, J Clin Oncol 33, 2015 suppl 7[11]

[12] Toni K. Choueiri Risk of Arterial Thromboembolic Events With Sunitinib and Sorafenib: A Systematic Review and Meta-Analysis of Clinical Trials J Clin Oncol 28:2280-2285. © 2010

[13] Larkin J1, et coll. Expert Opin Pharmacother. 2015 Aug;16(12):1755-67. First-line treatment in the management of advanced renal cell carcinoma: systematic review and network meta-analysis

Le tarceva* (erlotinib) dans le cancer du poumon

L’histoire du tarceva et du cancer du poumon montre les insuffisances des agences de régulation du médicament et les conséquences de la politique menée par le ministère de la santé depuis plus de 15 ans qui favorise l’industrie aux dépens des malades.

Le tarceva* est un « anti-tyrosine kinase » qui inhibe les récepteurs épithéliaux du facteur de croissance HER1/EGFR et susceptible de ralentir ainsi la croissance des cancers en particulier broncho-pulmonaires.

Il a bénéficié d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) par la FDA en Novembre 2004[1] sur la foi de l’étude pivot BR21 affirmant sur 731 patients que son administration prolongeait la survie des malades de 2 mois[2] (6.7 mois contre 4.7 sans traitement).

En 2009 il recevait une extension d’AMM après publication de l’essai Saturn[3] proclamant qu’il prolongeait de 10 jours la durée de non progression de la maladie et de 1 mois la survie globale. Mais ces deux essais, s’ils affirmaient que tarceva était un peu efficace sur la maladie, ne prouvaient pas qu’il pouvait être utile aux malades.

Pour les patients, seul compte le bénéfice clinique réel. Un traitement utile n’obtient pas seulement une « réponse transitoire » définie sur l’imagerie médicale, mais guérit le malade ou au moins augmente considérablement la durée de sa survie globale en maintenant des conditions de vie confortables.

Or, à ce jour, l’examen critique de la littérature montre que le tarceva* ne parvient ni à guérir les malades ni à prolonger utilement leur survie.

De nombreux essais randomisés ont étudié l’effet Tarceva*, seul ou en association à une chimiothérapie en première ligne thérapeutique ou après échec de traitements ou en maintenance chez des malades sans sélection génétique. Aucun n’a pu mettre en évidence une utilité réelle du tarceva* pour ces malades

L’essai TALENT[4] comportait un traitement d’attaque de 6 cycles de la triple association gemcitabine-cisplatin- tarceva*, suivi d’un tirage au sort des 1172 malades entre une simple surveillance ou la poursuite du tarceva*. La durée médiane de survie des malades recevant le placebo est supérieure (44 semaines) à celle des malades traités par tarceva* (43 semaines).

Dans l’essai TRIBUTE[5] l’association d’erlotinib à la chimiothérapie n’augmente ni la durée de stabilisation tumorale (10.6 mois v 10.5), ni la survie globale (5.1 mois vs 4.9).

Une macro analyse des essais associant les thérapies ciblées à la chimiothérapie en première ligne[6] confirme que l’adjonction de tarceva ne prolonge pas la survie globale et aggrave la toxicité du traitement.

Dans l’essai RADIANT[7] portant sur 973 patients souffrant de tumeurs opérables le traitement par tarceva adjuvant (après traitement local) n’améliore ni la durée de rémission (50.5 mois vs 48.2) ni la survie globale.

L’essai TAILOR[8] a comparé l’erlotinib au docetaxel comme seconde ligne de traitement et démontré que le docetaxel est plus efficace que l’erlotinib (survie médiane 8.2 mois versus 5.4 mois).

L’essai japonais DELTA[9] confirme que tarceva donne des résultats inférieurs au docetaxel tant sur la médiane de stabilisation (1.3 mois contre 2.9 mois pour le docetaxel ) que pour la survie globale (9.0 mois contre 10.1)

Dans l’essai ATLAS[10] portant sur 1145 malades l’ajout de tarceva* à la maintenance par l’avastin* augmente la durée de stabilisation tumorale de 1 mois (3.7 mois vs 4.8) mais n’augmente pas significativement la survie globale (13.3 vs 14.4 mois)

J Rigas a présenté les résultats de l’essai « maintenance Tarceva*.Tous les malades ont été traités par chimiothérapie avec radiothérapie suivie de randomisation entre Tarceva* et placebo. L’essai fermé après inclusion de 253 patients a démontré que la médiane de survie des malades sans traitement est supérieure (26.9 mois) à celle des malades recevant du Tarceva* (23.6 mois)!

L’essai IUNO[11] sur 643 patients a montré qu’il n’y a aucun bénéfice à entreprendre une maintenance par tarceva après stabilisation par chimiothérapie. Les agences européenne et canadienne du médicament ont précisé qu’une telle maintenance était nocive[12] et ont restreint en conséquence son autorisation.

L’essai TOPICAL[13] a comparé l’effet du tarceva* à l’absence de traitement chez 670 malades qui ne pouvaient pas supporter une chimiothérapie. Le tarceva* n’améliore pas la durée moyenne de survie (3.7 mois vs 3.6) ni l’espérance de vie à un an (15% vs 14%).

Au total, à l’exception des études pivots dont les résultats étonnamment favorables n’ont été confirmés par aucun autre essai randomisé, le traitement par tarceva n’apporte aucun bénéfice de survie globale chez les patients dont l’expression du récepteur au facteur de croissance épidermique était négative ou indéterminée. Chez ces malades la balance bénéfice-risque est donc défavorable et contre -indique l’usage de ce médicament.

Patients dont les tumeurs présentent des mutations activant le gène EGFR

Dans l’étude pivot BR21, le sous-groupe de 49 patients présentant des mutations activant le du gène EGFR était particulièrement sensible au tarceva: ceux qui prenaient Tarceva (22 patients) ont vécu en moyenne 44,6 semaines sans aggravation de leur maladie, contre 13 semaines chez ceux qui prenaient le placebo (27 patients). Cette sensibilité particulière a justifié les nombreuses recommandations d’utiliser les TKI chez ces malades. Pourtant, avec le recul dont on dispose en 2017 , l’utilité réelle du tarceva mesurée par son action sur la survie globale reste très incertaine dans la quasi-totalité des essais publiés.

Dans l’essai Radiant précédemment cité7 , 161 patients souffraient de tumeurs porteuses de mutation EGFR ou Kras. L’analyse de ces sous-groupes de malades ne fait apparaître aucun bénéfice significatif de survie lié au tarceva.

Dans l’essai EURTAC[14] (sur 174 patients aux tumeurs porteuses de mutation EGFR), l’association d’erlotinib à la chimiothérapie prolonge la durée de non progression tumorale (9.7 mois vs 5.2), mais n’augmente pas la survie globale (43 semaines chez les patients qui reçoivent l’association erlotinib +chimiothérapie contre 44.1 chez ceux traités par chimiothérapie seule).

Dans l’essai OPTIMAL (CTONG0802)[15], comparant, en première ligne, le tarceva à la chimiothérapie par carboplatin plus gemcitabine chez 165 patients chinois porteurs de mutation EGFR , la SSP médiane est plus longue chez les patients traités par tarceva ( 13.1 mois vs 4.6) mais leur survie globale est moindre (22.6 mois vs 28.8 pour les malades traités par chimiothérapie)

Dans l’essai ENSURE[16], 217 patients porteurs de mutation EGFR ont été tirés au sort pour être traités par tarceva (110 ) ou par chimiothérapie (107). Là encore, la SSP médiane est plus longue chez les patients traités par tarceva ( 11 mois vs 5.5) mais la survie globale n’est pas significativement améliorée.

L’étude ML20650 a comparé TARCEVA à une chimiothérapie à base de sels de platine chez des patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules localement avancé ou métastatique non préalablement-traités et dont la tumeur présente une mutation EGFR (délétion de l’exon 19 ou mutation de l’exon 21) sur 154 patients caucasiens. La médiane de survie sans progression atteint 9,4 mois dans le groupe TARCEVA contre 5,2 mois dans le groupe chimiothérapie mais là encore sans amélioration significative de la survie globale

Dans la littérature, , un seul article (FASTACT-2[17]) rapporte un bénéfice significatif de survie globale (31.4 mois vs 20.6) chez les patients dont l’expression du récepteur au facteur de croissance épidermique est positive . Même chez ces malades la balance bénéfice-risque est donc peu favorable contrairement à ce que de nombreux articles prétendent en brandissant comme « preuve » le gain éventuel de survie sans progression. Pour les cancers du poumon, comme pour les autres tumeurs solides une cible et une thérapie ciblée telle que le tarceva n’aboutissent pas souvent à un traitement utile d’autant que la « bonne tolérance » prétendue des thérapies ciblées est un mythe.

Les insuffisances des agences de régulation qui ont autorisé la mise sur le marché d’un médicament globalement inutile et toxique sur un critère subjectif (durée de stabilisation tumorale) sont criantes. Il est grand temps qu’elles se consacrent de nouveau à la mission pour laquelle elles ont été créées : la protection sanitaire des populations et qu’elles arrêtent de soutenir l’industrie (« l’innovation »). Un médicament ne doit être mis sur le marché que s’il est utile (cliniquement efficace) et peu dangereux.

La responsabilité de nos décideurs politiques est écrasante. Depuis plus de dix ans ils ruinent la sécurité sociale par une politique aberrante (ou complice ?) de prix. D’après la Cnam le coût d’un traitement par le Tarceva atteint 27 000 euros par an et par patient alors que son prix équitable est de 240 dollars[18] , comme l’Inde le démontre. Incompétence ? Manque de courage politique ? Corruption ? Quelle qu’en soit la raison cette politique du « tout pour big pharma », si on la poursuit entrainera à terme la disparition de la sécurité sociale.

 

 

[1] pour le traitement de seconde ligne des cancers avancés après échec de chimiothérapie

[2] F A. Shepherd Erlotinib in Previously Treated Non–Small-Cell Lung Cancer N Engl J Med 2005;353:123-32.

[3] Garassino MC et al. Erlotinib versus docetaxel as second-line treatment of patients with advanced non-small-cell lung cancer and wild-type EGFR tumours (TAILOR): a randomised controlled trial. Lancet Oncol. 2013;14(10):981–988

[4] U Gatzemeier et al Phase III Study of Erlotinib in Combination With Cisplatin and Gemcitabine in Advanced Non–Small-Cell Lung Cancer: The Tarceva Lung Cancer Investigation Trial Clin Oncol 25:1545-1552. © 2007

[5]R S. Herbst TRIBUTE: A Phase III Trial of Erlotinib Hydrochloride (OSI-774) Combined With Carboplatin and Paclitaxel Chemotherapy in Advanced Non–Small-Cell Lung Cancer J Clin Oncol 23:5892-5899. © 2005,

[6]OuYang P et al. Combination of EGFR-TKIs and chemotherapy as first-line therapy for advanced NSCLC: a meta-analysis. LoS One. 2013 Nov 13;8(11)

[7] K Kelly Adjuvant Erlotinib Versus Placebo in Patients With Stage IB-IIIA Non–Small-Cell Lung Cancer (RADIANT): A Randomized, Double-Blind, Phase III Trial J Clin Oncol 33:4007-4014. © 2015

[8].Garassino MC Erlotinib versus docetaxel as second-line treatment of patients with advanced non-small-cell lung cancer and wild-type EGFR tumours: a randomised controlled trial. Lancet Oncol. 2013 Sep;14(10):981-8.

[9] Tomoya Kawaguchi Randomized Phase III Trial of Erlotinib Versus Docetaxel As Second- or Third-Line Therapy in Patients With Advanced Non–Small-Cell Lung Cancer: Docetaxel and Erlotinib Lung Cancer Trial (DELTA) J Clin Oncol 32:1902-1908. © 2014

[10] B. E. Johnson, ATLAS: Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled, Phase IIIB Trial Comparing Bevacizumab Therapy With or Without Erlotinib, After Completion of Chemotherapy, With Bevacizumab for First-Line Treatment of AdvancedNon–Small-Cell Lung Cancer J Clin Oncol 31:3926-3934. © 2013

[11] Saulius Cicènas   Maintenance erlotinib versus erlotinib at disease progression in patients with advanced non-small-cell lung cancer who have not progressed following platinum-based chemotherapy (IUNO study) Lung Cancer 102 (2016) 30–37

[12] 17 December 2015 EMA/CHMP/816728/2015 Committee for Medicinal Products for Human Use (CHMP) Assessment report

[13] S M Lee First-line erlotinib in patients with advanced non-small-cell lung cancer unsuitable for chemotherapy (TOPICAL): a double-blind, placebo-controlled, phase 3 trial Lancet Oncol. 2012 Nov; 13(11): 1161–1170.

[14] R Rosell Erlotinib versus standard chemotherapy as first-line treatment for European patients with advanced EGFR mutation-positive non-small-cell lung cancer (EURTAC): a multicentre, open-label, randomised phase.. The Lancet Oncology 2012 13 3 239-246

[15] Zhou C, Overall survival results from OPTIMAL, a phase III trial of erlotinib versus carboplatin plus gemcitabine as first-line treatment for Chinese patients with EGFR mutation-positiveadvanced non-small cell lung cancer J Clin Oncol 2012; 30: Suppl., 48

[16]Wu YL et al. First-line erlotinib versus cisplatin/gemcitabine in patients with advanced EGFR mutation-positive non-small-cell lung cancer: interim analyses from ENSURE study. J Thoracic Oncol 2013; 8: Suppl. 2, S603.

[17] Y L Wu Intercalated combination of chemotherapy and erlotinib for patients with advanced stage non-small-cell lung cancer (FASTACT-2): a randomised, double-blind trial.Lancet oncology 2013 13 8 777-786

[18] Hill A, Gotham D, Fortunak J, et al. Target prices for mass production of tyrosine kinase inhibitors for global cancer treatment. BMJ Open 2016;6:e009586. doi:10.1136/bmjopen-2015-009586