La chimiothérapie est-elle utile dans les cancers du corps de l’utérus localisé ?

Par Dr Gérard Delépine

Depuis les années 2000, l’association chirurgie-radiothérapie pelvienne constitue le traitement de référence du cancer du corps de l’utérus, sans qu’elle n’évite toujours les récidives locorégionales (ganglionnaires) et les métastases.

La chimiothérapie a été proposée pour diminuer le risque de métastases et l’étendue des champs de radiothérapie, (source de possibles complications et séquelles).

Les résultats de l’essai GOG-249 présentés récemment au congrès des radiothérapeutes américains[1],montrent que la chimiothérapie ne permet pas de diminuer les champs d’irradiation, ni le risque de métastases.

Cet essai prospectif, multicentrique et randomisé a inclus 601 patientes, souffrant de cancer du corps utérin localisé, jugées à haut risque de récidive. 301 malades ont été traitées par le protocole classique comportant chirurgie suivie de radiothérapie externe sur le pelvis (sur le champ opératoire et les aires ganglionnaires). Les 300 autres malades ont reçu, après la chirurgie, une radiothérapie interne, plus limité par curiethérapie, et 3 cycles de chimiothérapie par paclitaxel et carboplatine.

A cinq ans, le risque de métastase n’est pas diminué par la chimiothérapie (18% dans les deux groupes de patientes). La chimiothérapie se révèle moins efficace que l’irradiation pour prévenir les récidives régionales : à cinq ans le taux de rechutes ganglionnaires est plus du double chez les patientes traitées par chimiothérapie par rapport à celles bénéficiant du traitement classique avec irradiation externe (9,2% versus4,4%).

Enfin la chimiothérapie augmente le risque d’effets secondaires précoces graves (187 patientes du groupe chimiothérapie ont souffert d’effets secondaires grade 3 ou plus, contre seulement 37 patientes du groupe chirurgie-radiothérapie). Tandis que le risque de complications tardives ou de séquelles est le même.

En résumé, cet essai de bonne qualité méthodologique confirme que l’association de chirurgie et de radiothérapie permet de guérir à peu près 75% de cancers du corps de l’utérus localisés à haut risque, et que la chimiothérapie utilisée dans cette étude n’améliore pas le pronostic vital et augmente la toxicité.

Vu le taux élevé de guérison dans ces cancers localisés, rien ne justifie actuellement la chimiothérapie adjuvante dans ce cancer en première intention.

[1] Marcus Randall, « A Phase III Trial of Pelvic Radiation Therapy Versus Vaginal Cuff Brachytherapy Followed by Paclitaxel/Carboplatin Chemotherapy in Patients with High-Risk, Early-Stage Endometrial Carcinoma ASTRO).2017

Le Xtandi* (Enzulamine)[1]est un inhibiteur des récepteurs aux androgènes susceptible d’être efficace sur les cancers hormono dépendants tels que le cancer de la prostate[2]. Il est l’équivalent au Zytiga* de même mécanisme.

Il a reçu sa première AMM de la FDA (le 31/08/2012)[3], de Santé Canada (le 03/06/2013) et de l ’EMA (le 21 juin 2013) agence européenne dont les avis s’imposent à la France, pour le traitement des cancers métastatiques de la prostate résistants à la chimiothérapie, sur la foi de l’étude pivot AFFIRM[4].

Nouvelle formule pour l’autorisation de mise sur le marché depuis les années 2000 : au lieu de longs essais, une seule étude dite Pivot courte[5].

Cet essai portant sur 1199 patients, tirés au sort entre Xtandi et un placebo, proclame une prolongation de la survie médiane de 4,8 mois (18.4 mois vs 13.6 mois) chez les malades traités par Xtandi* par rapport à ceux sans traitement. Mais cet essai, s’il prouve que Xtandi* est un peu efficace sur les métastases de cancer de la prostate, ne prouve pas qu’il puisse être réellement utile aux malades qui le reçoivent.

 

De plus, ce gain de survie globale par rapport à l’absence de traitement n’a jusqu’ici pas été confirmé par une étude indépendante du laboratoire et les comparaisons indirectes aux traitements concurrents jusqu’ici utilisés incitent à douter de sa réalité.

 

Ainsi dans l’essai Strive[6] (sur 396 patients), Xtandi* parait plus efficace que casodex*[7], antiandrogène classique, sur la tumeur (pour stabiliser le taux de PSA et ralentir la progression des lésions radiologiques), mais se révèle incapable d’améliorer la survie globale ainsi que l’a souligné récemment Jorg Michels[8].

 

Cette inefficacité à augmenter la survie globale, par rapport à celle observée sous casodex*, est d’autant plus étonnante que le casodex*[9] en est lui-même incapable et fait donc craindre que le bénéfice de survie globale observé dans l’étude pivot de Xtandi* ne soit pas reproductible. Ce doute a poussé le laboratoire à publier un plaidoyer pour la correction des données brutes de l’essai, afin d’en présenter les résultats de manière un peu plus flatteuse[10].

Xtandi* a reçu de la FDA (10 9 2014) une extension de son AMM pour l’utilisation en première ligne après la présentation des résultats de l’essai PREVAIL[11], donc avant la chimiothérapie.

Dans cette étude randomisée portant sur 1717 malades, Xtandi* augmente la survie médiane de 2 mois (32.4 mois contre 30.2 mois) par rapport à l’absence de traitement. Mais là aussi, la confirmation de ce bénéfice par des études indépendantes se fait attendre et les comparaisons indirectes font douter de ce bénéfice.

Dans l’essai de phase II Terrain[12] portant sur 375 malades suivis en moyenne 18 mois, Xtandi* obtient davantage de réponse que casodex* et stabilise plus longtemps la maladie, mais une fois de plus ne parvient pas à prolonger la survie globale par rapport à son comparateur.

 

Peu utile et plus toxique que casodex

Xtandi*entraîne de nombreuses réactions indésirables. Les plus fréquentes comprennent la fatigue (33,6 %), les bouffées de chaleur (20,3 %), les céphalées (11,6 %), l’hypertension (6,1 %), les chutes (4,0 %), la peau sèche (3,5 %), le prurit (3,6 %) et l’anxiété (6,4 % ).

Mais des complications plus graves sont possibles :

Des convulsions sont survenues chez 0,8% des patients du groupe Xtandi* de l’étude pivot, alors que les patients ayant des antécédents de convulsions ou d’autres facteurs de risque de convulsions avaient été exclus. En conséquence, une étude destinée à évaluer le risque de convulsions chez des patients à risque élevé de convulsions sera réalisée dans les cinq années à venir (Plan de Gestion des Risques) présenté à Santé Canada.

Des hallucinations ont été signalées par 1,6 % des patients sous Xtandi*, la plupart sans gravité (grade 1 ou 2), et aussi des amnésies, des troubles cognitifs, de l’attention, de la mémoire.

Une hypertension a été signalée chez 6,1 % des patients traités par Xtandi. Des événements de grade 3 sont survenus chez 2,0 % des patients recevant Xtandi*.

Des chutes ont été signalées chez 4 % patients traités par Xtandi* pouvant occasionner des fractures, (3,5 %).

On a observé des taux de neutrophiles faibles chez 15 % des patients recevant Xtandi*. Des infections peuvent survenir même en l’absence de neutropénie et entraîner la mort (près de 1% de décès)

L’avis du 20 novembre 2013 de la HAS : « XTANDI apporte une amélioration du service médical rendu modérée (ASMR III) dans le traitement du cancer métastatique de la prostate résistant à la castration et progressant pendant ou après un traitement par docétaxel », parait bien indulgent, si l’on considère que Xtandi* ne permet de guérir aucun malade métastatique, qu’il n’améliore que de manière très incertaine ou très limitée la durée de survie globale tout en exposant le malade à une toxicité certaine.

En 2015 , l’avis d’extension [13] n’obtient qu’un ASMR IV, soit amélioration du service médical rendu MINEUR équivalent à celui de Zytiga*[14] seule drogue équivalente.

Avant de recommander cette drogue il faudrait que sa capacité à augmenter la durée de survie soit confirmée par des auteurs indépendants de l’entreprise.

Et le prix accordé par le ministère est scandaleusement élevé, 3375 euros pour un traitement d’un mois contre 54 euros pour le traitement classique par Casodex* à peu près aussi utile pour les malades, et globalement moins toxique.

[1] « Xtandi est indiqué dans le traitement du cancer métastatique de la prostate résistant à la castration chez les hommes adultes dont la maladie a progressé pendant ou après une chimiothérapie à base de docétaxel. »

« Posologie : La dose recommandée est de 160 mg d’enzalutamide (quatre capsules de 40 mg) en une seule prise quotidienne par voie orale.

[2] Association contre-indiquée avec certains médicaments possèdant la capacité d’inhiber fortement le cytochrome P450-3A4, une enzyme qui intervient dans le métabolisme de nombreuses drogues. Lorsque l’activité de cette enzyme est inhibée, elle n’est plus en mesure de métaboliser le médicament qui va alors s’accumuler (risque de surdosage).

Les principaux inhibiteurs du CYP3A4 sont :azolés antifongiques (kétoconazole, itraconazole, voriconazole, posaconazole), certains macrolides (la clarithromycine, l’érythromycine, la télithromycine),les inhibiteurs de protéase, et plus particulièrement le ritonavir (quelle que soit la dose) et le nelfinavir

[3] Ning YM, Pierce W, Maher VE et al. Enzalutamide for treatment of patients with metastatic castration-resistant prostate cancer who have not received chemotherapy for metastatic disease. FDA 31 8 2012

[4] Scher HI, Fizazi K, Saad F et al. Increased Survival with Enzalutamide in Prostate Cancer after Chemotherapy. N Engl J Med 2012;367:1187-97.

[5] Pour le détail de ces nouvelles procédures écourtées, voir notre livre : « médicaments anticancéreux peu utiles souvent toxiques et hors de prix » chez Michalon éditeurs oct 2017.

[6]David F. Penson Enzalutamide Versus Bicalutamide in Castration-Resistant Prostate Cancer: The STRIVE Trial J Clin Oncol 34:2098-2106. © 2016

[7] Casodex est un anti-androgène non stéroïdien, spécifique des récepteurs androgéniques, dépourvu de toute autre activité endocrinienne. (bicalutamide)

Il induit une régression du cancer prostatique en bloquant, au niveau des récepteurs, l’activité des androgènes. Boite de 30 comprimés à 50 mg un par jour 54 €

[8] Jorg Michels Enzalutamide Versus Bicalutamide in Castration-Resistant Prostate Cancer: The STRIVE Trial—There is No Significant Reduction in Death (Yet) J Clin Oncol 35 ,1 • 123 2017

[9]

[10] Konstantina Skaltsa Adjusting Overall Survival Estimates after Treatment Switching: a Case Study in Metastatic Castration-Resistant Prostate Cancer Targ Oncol (2017) 12:111–121

[11] Beer TM, Armstrong AJ, Rathkopf DE, et al. Enzalutamide in Metastatic Prostate Cancer before Chemotherapy. N Engl J Med. Epub June 1, 2014

[12] Neal D Shor Effi cacy and safety of enzalutamide versus bicalutamide for patients with metastatic prostate cancer (TERRAIN):a randomised, double-blind, phase 2 study thelancet.com/oncology Vol 17 February 2016

[13] dans le « traitement du cancer métastatique de la prostate résistant à la castration chez les hommes adultes asymptomatiques ou peu symptomatiques, après échec d’un traitement par suppression androgénique et pour lesquels la chimiothérapie n’est pas encore cliniquement indiquée ».

AMM octroyée par le Comité des médicaments à usage humain (CMUH) le 2 décembre 2014.

[14] ZYTIGA 250 mg comprimé est également indiqué, en association avec la prednisone ou la prednisolone, dans le traitement du cancer métastatique de la prostate résistant à la castration chez les hommes adultes dont la maladie a progressé pendant ou après une chimiothérapie à base de docétaxel. Prix hors honoraire de dispensation : 3071,39 € par flacon cp à 250 mg

Je souhaite ici analyser et commenter l’article de H Gilbert Welch publié le 15 JUIN 2017 et que vous pouvez retrouver ici. L’article original est en anglais.

Analyse et commentaires N. Delepine

H G Welch nous raconte une « belle histoire » qui devrait faire réfléchir, tant les malades que les citoyens bien portants, les soignants mais aussi et surtout, nos politiques chez lesquels les mots « prévention » ? dépistage etc. reviennent comme des leitmotivs imprégnés d’espoirs miraculeux, et clefs pour ouvrir le cœur des électeurs et obtenir leurs bulletins de vote.

L’artifice couvre de nombreux marchés, en médecine académique, mais aussi complémentaire et toutes sortes de pratiques extra médicales, toutes centrées sur ce désir ancestral de rester beau, jeune et bien portant, doublé de la croyance qu’on y peut vraiment quelque chose. Un mythe très rentable et très couteux, particulièrement dans le cadre de la médecine remboursée…

G Wlech cite d’abord une étude réalisée auprès de médecins de première ligne et publiée en 2011[1] : la moitié des médecins interrogés pense que leurs patients reçoivent trop de soins médicaux !

Premier exemple : la fin de vie. Les interventions médicales multiples additionnant examens invasifs inutiles et séjours hospitaliers pénibles, souvent douloureux voire dévastateurs , sont toujours inefficaces sur la durée de vie, et de surcroit, détériorent sa qualité. Chacun souhaite mourir chez soi, dans son lit accompagné par ses proches, mais la grande majorité des français décède dans une chambre anonyme, sur un lit inconfortable, loin de son chez soi. Pourquoi ?

Second exemple, les bien portants. Autrefois les gens allaient voir le médecin s’ils se sentaient malades, aujourd’hui ils sont encouragés à être examinés même s’ils vont bien ! je suis frappée par le planning des mamans collées à leur portable pour vérifier les rendez-vous de l’un de leurs enfants chez le pédiatre, de l’autre chez l’ostéopathe, l’ophtalmologiste ou l’orthodontiste dès le plus jeune âge ! Se portent-ils mieux qu’il y a trente ans lorsque, jeune pédiatre je voyais, des enfants vriament « malades » ? Non, mais on les rend accro à la médecine et à toutes les pratiques dérivées ! Marchandisation de la médecine à travers toutes les sortes de médicalisation inutiles souvent traumatisantes qui de plus éloignent nos contemporains de la vraie vie, arts , culture , relations humaines … Pas le temps, j’ai rendez-vous chez le médecin… Fut une époque, on moquait les personnes âgées qui allaient chez le kiné, le médecin , le pharmacien pour parler, échanger remplaçant parfois le curé abandonné.. Mais tous ces professionnels n’ont plus le temps, désert oblige, et la conversation de 5 mn revient au postier pour 19 € payé par le membre de la famille culpabilisé .. Triste époque !

Revenons au Pr Welch qui cite une plaisanterie de vieux médecin : « qui est bien portant ? celui qui n’a jamais été examiné ! ».

En écho aux grands discours des politiques ignorants en médecine, mais fidèles à la mode ambiante populiste et généralisée, qui font de grandes promesses sur la « prévention » parée de toutes les vertus, lisons en détail l’ article du Pr Welch, rapportant ses travaux centrés sur le dépistage des cancers et sa conséquence majeure, le surdiagnostic [2]. Il confirme que le nombre de cancers diagnostiqués dépend du nombre de personnes examinées lors des dépistages. Plus on dépiste, plus on trouve et la plupart de ces « extra cancers » selon son expression, sont des surdiagnostics peu susceptibles d’affecter la santé des personnes qui les abritent à moins qu’elles ne se soumettent au dépistage (le fait d’y toucher modifiant l’évolution naturelle et le contexte de la personne. Il cite particulièrement les cancers du sein, de la prostate, de la thyroïde et le mélanome, et s’appuie sur l’article récent du NEJM qui démontre que les riches américains sont plus exposés aux surdiagnostics que la classe moyenne ou inférieure.
Non que les riches soient génétiquement plus exposés, mais bien parce qu’ils sont sur examinés et sur dépistés ! il cite une étude soigneuse de Californie du Nord étudiant les risques comparés de diagnostic de cancer du sein. Elle a mis en évidence l’influence du statut économique, fait contraire à la pensée unique qui vous vient à l’idée. La réalité est parfois (voire souvent en médecine ) contre-intuitive.
De fait les femmes des couches sociales défavorisées sont moins à risque que celles de la haute société qui ont deux fois plus de risque de se voir posé un diagnostic de cancer du sein. Conclusions après contrôle des facteurs de risque individuel (familial , âge, dates des premières règles, maternité, hormonothérapie, alcoolisme etc.).

Pourquoi ? vous multipliez les mammographies, les 3D mammographies , les échographies, les IRM,et chaque examen entraine une augmentation de surdiagnostic !!

Une autre étude a montré que la volonté de dépister des tumeurs de plus en plus petites supposées croitre lentement aboutit à dépister des tumeurs qui ne croissent pas du tout et en d’autres termes des tumeurs qui n’auraient jamais affecter la santé, la qualité de vie, ni sa durée.

Comme beaucoup d’autres l’ont dit et répété, comme nous l’avons écrit dans plusieurs livres[3], ces surdiagnostics entrainent des surtraitement nocifs pour ceux qui les subissent et aussi pour les finances des systèmes de santé. Mais c’est important de l’entendre, voir, écrit et développé par nos collèges américains et non des moindres.

Il est de plus capital de voir que cette politique forcenée de « prévention » toujours mis en vedette par nos politiques candidats et élus, d’un bout de l’échiquier à l’autre, ne participe pas au principe d’égalité, leur étendard préféré à tous ! Cette politique de « prévention » ne protège pas les plus pauvres, contrairement à ce que l’on essaie de nous faire croire pour imposer ces examens et traitements ruineux qui ne profitent qu’aux labos et à leurs affidés, (dont de nombreux politiques), pas seulement épris d’équité théorique mais aussi de subventions !

 

Est-ce que la démonstration que les « riches » sont plus fréquemment victimes de ces sur diagnotics et surtraitements qui affectent leur qualité et éventuellement leur durée de vie les fera réfléchir sur cette politique du toujours plus ? Pas sûr car il est bien connu, que les ennuis, accidents, complications n’arrivent qu’aux autres…. Je l’ai souvent expliqué : médecine devenue à deux vitesses sûrement, mais en pratique pas toujours au bénéfice des plus favorisés. Ironie de l’histoire ! Vérité répétée, mais pas souvent entendue tant elle est difficile à admettre en raison de la propagande massive, des médias au service des lobbies pharmaceutiques et politiques. On calme le bon peuple avec du dépistage, de la prévention, il croira qu’on s’occupe de lui … Mais les puissants se font parfois prendre à leur propre jeu. Justice immanente ?!

 

Comme pour le cancer du sein chez la femme, beaucoup de cancers de la prostate de l’homme n’auraient jamais fait parler d’eux ! Ils ont fait beaucoup de victimes, devenues anciens cancéreux, plus ou moins incontinents et impuissants . Miracle de la médecine moderne …. Le mieux est l’ennemi du bien, doit-on répéter inlassablement à nos jeunes étudiants en médecine !

Le Pr Welch expose qu’il est facile, au-delà de la sur prescription en cancérologie, de l’imaginer dans les autres domaines de la médecine : hernie discale chez personne asymptomatique qui ne souffre pas, anomalies coronariennes sans traduction clinique etc …

La réalité, dit-il, est que nous sommes tous porteurs d’anomalies et que trop de tests conduisent à trop de traitements et donc à trop d’effets secondaires liés à des médicaments inutiles, des complications liées aux explorations invasives, voire à des décès. Nous nous efforcerons de le démontrer une nouvelle fois dans notre document à paraitre (guide des molécules inutiles, peu utiles ou dangereuses en cancérologie).[4] Trop de médecine tue la médecine !

 

La prise de conscience médicale semble naitre, mais Welch insiste sur l’emballement du système, qui nous oblige à prescrire de plus en plus (ne serait -ce qu’en raison du risque médicolégal, si vous n’avez pas « tout » fait), et de la pression médiatique sur les patients, ou citoyens pas encore malades qui réclament !

Trop d’argent en cause évidemment !

Le conseil du PR Welch est de demander à votre médecin s’il a déjà eu un patient souffrant de conséquences de la surmédicalisation et de lui donner la permission de changer de méthode avec vous (ou de l’en supplier si nécessaire, ajouterai-je ) !

Avant de conclure, rappelons l’effet pervers et néfaste du ROSP[5] , qui attribue aux médecins obéissants et soumis une prime annuelle de 6000 à 9000 € , s’ils acceptent les injonctions de prescriptions fixées par le ministère (par qui et sur quelles pressions ?) en termes de dépistage du cancer du sein, et de vaccinations (col de l’utérus pas Gardasil, vaccination antigrippe, etc.. Il s’agit là d’une tentative de corruption du corps médical qui va à l’encontre du serment d’Hippocrate dont le respect de l’indépendance professionnelle, contre le consentement éclairé et la loi Kouchner prônant le libre choix du patient, pratique malheureusement est entourée d’un rideau de fumée bienveillant et contradictoire avec la réflexion individuelle de chaque praticien et de chaque patient devant des études comme celles -ci.

 

Commentaires à l’article du PR Gilbert Welch, MD, is professor of medicine at the Dartmouth Institute for Health Policy and Clinical Practice and author of “Less Medicine, More Health7” (Beacon Press, 2015).

[1] Brenda E. Sirovich, MD, MS; Steven Woloshin, et al, MD, MS Health Care Reform Too Little? Too Much? Primary Care Physicians’ Views on US Health CareA Brief Report Arch Intern Med. 2011;171 (17):1582-1585.

[2] IH. Gilbert Welch, et al Income and Cancer Overdiagnosis — When Too Much Care Is Harmful N Engl J Med 2017; 376:2208-2209June 8, 2017

[3] La face cachée des médicaments N Delepine ed Michalon 2011 le cancer un fleau qui rapporte. N Delepine 2013 Ed Michalon, Cancer les bonnes questions à poser à votre médecin G et N Delépine éd Michalon 2016 Soigner ou obéir N et G Delepine ed Fauves

[4] A paraitre chez Michalon Oct 2017

[5] Respect des Objectifs de Santé Publique, objectifs fixés par le ministère de la santé et/ou la sécurité sociale qui en dépend. Pratique très contestée et reconduite en 2017 alors que son efficacité en termes de santé à long terme est nulle, comme l’application en Grande Bretagne par exemple l’a bien démontrée. IL s’agit donc bien de marchandisation de la médecine via la pression sur les médecins.

Giotrif* est -il utile dans le cancer du poumon, non à petites cellules, avancé  avec mutation(s) activatrice(s) de l’EGFR ?

Par Dr G. Delépine, chirurgien, cancérologue, statisticien

L’histoire du giotrif* (afatinib) et du cancer du poumon montre les complaisances des agences de régulation du médicament et les conséquences de la politique menée par ministère de la santé depuis plus de 15 ans, qui favorise l’industrie aux dépens des malades.

Le giotrif est un «anti-tyrosine kinase» donné par la bouche qui bloque de manière irréversible les récepteurs de facteurs de croissance de type ErbB (HER2/ErbB2), ErbB4) et est susceptible de ralentir ainsi la croissance des cancers, en particulier broncho- pulmonaires.

 

AMM sur stabilisation tumorale, pas d’amélioration sur la survie.

Il a bénéficié d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) par la FDA en juillet 2013 sur la foi de l’étude pivot LUXLUNG3[1], affirmant sur 345 patients porteurs de la mutation EGFR (avec un suivi médian de 16 mois), que son administration prolongeait la stabilisation tumorale de 6 mois (11,1 mois contre 6,9 avec du cisplatine). Mais cet essai, s’il affirmait que giotrif était un peu efficace sur la maladie, ne prouvait pas qu’il était utile aux malades, d’autant qu’il ne leur apportait aucun bénéfice de survie globale.

Pour les patients, seul compte le bénéfice clinique réel. Un traitement utile n’obtient pas seulement une « réponse transitoire » définie sur l’imagerie médicale, mais guérit le malade ou au moins augmente considérablement la durée de sa survie globale, en maintenant des conditions de vie confortables.

Or, à ce jour, l’examen de la littérature montre que le giotrif ne parvient ni à guérir les malades ni à prolonger utilement leur survie.

Seule une sélection – a posteriori – de données provenant de deux essais différents fait apparaître un petit gain de survie dans un petit sous-groupe, mais une telle analyse, statistiquement infondée, n’a pas de valeur probante.

Aucun des nombreux essais randomisés qui ont étudié l’effet de giotrif seul ou en association à une chimiothérapie, en première ligne thérapeutique ou après échec de traitements ou en maintenance, n’a pu mettre en évidence une utilité réelle du giotrif* pour les malades.

Dans l’essai luxlung1 comparant giotrif* à l’absence de traitement (un placebo) portant sur 585 malades[2], la survie globale des malades sans traitement actif est supérieure à celle des malades recevant du giotrif* (12 mois vs 10.8).

Dans l’essai luxlung 5, portant sur 1184 malades sans sélection génétique, l’addition de giotrif* à la chimiothérapie n’améliore pas la durée de survie[3].

Dans l’essai luxlung 6[4] comparant, sur 364 malades asiatiques, le giotrif* à une chimiothérapie par gemcitabine-cisplatine, le giotrif* n’apporte aucun gain de survie globale.

 

Au total, en dépit de sa petite efficacité transitoire sur la tumeur, le traitement par giotrif* n’apporte aucun bénéfice de survie globale chez les patients, souffrant de cancer du poumon non à petites cellules avancé.

Et ce traitement est toxique : diarrhée (41%)[5], stomatites, éruptions cutanées (71%), dermatite acnéiforme (35%), périonyxis (58%), nausées, vomissements, fatigue intense, céphalées imposent une réduction des doses chez 15% des malades. Plus rarement, des accidents graves tels que kératite sévère, toxicité cardiaque et des pneumopathies interstitielles ont été rapportées, pouvant exceptionnellement entraîner la mort ( Miller 2012 ibid).

L’ensemble des données disponibles motive les avis de la Haute Autorité de Santé [6]« GIORIF n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu (ASMR V, inexistante) dans la prise en charge du cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) localement avancé ou métastatique ».

Les insuffisances des agences de régulation qui ont autorisé la mise sur le marché d’un médicament globalement inutile et toxique sur un critère subjectif (durée de stabilisation tumorale) sont criantes. Il est grand temps qu’elles se consacrent de nouveau à la mission pour laquelle elles ont été créées : la protection sanitaire des populations et qu’elles arrêtent de soutenir l’industrie (« l’innovation »). Un médicament ne doit être mis sur le marché que s’il est utile (cliniquement efficace) et peu toxique.

La responsabilité de nos décideurs politiques est écrasante. Depuis plus de quinze ans, ils ruinent la sécurité sociale par une politique aberrante (ou complice ?) de prix. Le coût d’un traitement[7]par giotrif atteint plus de 25 000 € par an et par patient. Incompétence ? Manque de courage politique ? Corruption ? Quelle qu’en soit la raison cette politique du « tout pour big pharma », si on la poursuit entrainera à terme la disparition de la sécurité sociale.

 

[1].Sequist L, Yang J, Yamamoto N, et al. Phase III Study of Afatinib or Cisplatin Plus Pemetrexed in Patients With Metastatic Lung Adenocarcinoma With Epidermal Growth Factor Receptor Mutations. J Clin Oncol 2013;

[2] Miller VA Afatinib versus placebo for patients with advanced, metastatic non-small-cell lung cancer after failure of erlotinib, gefitinib, or both, and one or two lines of chemotherapy (LUX-Lung 1): a phase 2b/3 randomised trial. Lancet Oncol. 2012 May;13(5):528-38.

[3] Schuler MH, Yang C-H, Park K, et al. Continuation of afatinib beyond progression: results of a randomized, open-label, phase III trial of afatinib plus paclitaxel (P) versus investigator’s choice chemotherapy (CT) in patients (pts) with metastatic non-small cell lung cancer (NSCLC) progressed on erlotinib/gefitinib (E/G) and afatinib – LUX-Lung 5 (LL5). J Clin Oncol. 2014;32:(5 Suppl):Abstr 8019.

[4] Wu YL, Zhou C, Hu CP, et al. Afatinib versus cisplatin plus gemcitabine for first-line treatment of Asian patients with advanced non-small-cell lung cancer harbouring EGFR mutations (LUX-Lung 6): an open-label, randomised phase 3 trial. Lancet Oncol. 2014;15(2):213–222.

[5] Nobuyuki Katakami LUX-Lung 4: A Phase II Trial of Afatinib in Patients With Advanced Non–Small-Cell Lung Cancer Who Progressed During Prior Treatment With Erlotinib, Gefitinib, or Both J Clin Oncol 31:3335-3341.

[6] Commission de la transparence avis de février 2014 confirmé le 25 mai 2016 lors d’une seconde évaluation

[7]https://www.vidal.fr/Medicament/giotrif_50_mg_cp_pellic-1

« Le traitement doit être initié et supervisé par un médecin expérimenté dans l’utilisation des traitements anticancéreux. Le statut mutationnel de l’EGFR doit être établi avant l’initiation du traitement.
La dose recommandée est de 40 mg 1 fois par jourAucune nourriture ne doit être prise au moins 3 heures avant et au moins 1 heure après la prise de ce médicament. La coadministration d’un repas riche en graisse avec GIOTRIF a conduit à une baisse significative de l’exposition à l’afatinib.
Les comprimés doivent être avalés en entier avec de l’eau. Si le patient ne peut pas avaler les comprimés entiers, ceux-ci peuvent être dispersés dans environ 100 ml d’eau plate. Aucun autre liquide ne doit être utilisé. Le comprimé doit être mis dans l’eau sans être écrasé, puis agité de temps à autre pendant 15 minutes au maximum, jusqu’à ce qu’il se soit dispersé en très petites particules. La dispersion doit être bue immédiatement. Le verre doit être rincé avec environ 100 ml d’eau, qui doivent également être bus. La dispersion peut également être administrée au moyen d’une sonde gastrique.
Adaptation de la dose
La dose quotidienne maximale est de 50 mg.Cette posologie peut être envisagée chez les patients qui tolèrent une dose de 40 mg/jour pendant les 3 premières semaines de traitement, c’est-à-dire absence de diarrhée, d’éruption cutanée, de stomatite et d’autres effets indésirables de grade CTCAE > 1 ».
« Remboursable à 100 % et agréé aux collectivités dans le traitement de première intention du cancer bronchique non à petites cellules localement avancé ou métastatique avec mutation(s) activatrice(s) de l’EGFR .
Prix public TTC = 1 983,26 euros     28 cp   Laboratoire Boehringer Ingelheim France »

 

L’Afinitor* (évérolimus) a-t-il une indication dans le cancer du rein métastatique ?

L’histoire de l’Afinitor* ( évérolimus) et du cancer du rein montre la faible efficacité des agences du médicament pour n’autoriser que les médicaments utiles et celle du ministère de la santé dans les décisions de remboursement et de fixation des prix.

L’Afinitor* ( évérolimus) est un inhibiteur du système mTOR susceptible de ralentir la croissance des cancers, éventuellement celui du cancer du rein. Il a bénéficié d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) aux Etats-Unis le 30 mars 2009, dans cette indication, sur la foi de l’étude pivot Record1[1] .

Efficacité uniquement sur stabilisation, mais nulle sur prolongation de la vie

Cette étude affirmait (sur 410 patients) que son administration augmentait de 3 mois la stabilisation tumorale (4,9 mois vs 1,9) par rapport au placebo (aucun traitement actif) sans bénéfice de survie globale. Deux ans plus tard, une actualisation des résultats montrait que, de fait, que l’éverolimus n’apportait aucun gain de survie globale[2] chez ces patients.

Pas d’amélioration de la qualité de vie.

En 2011, Beaumont[3] confirmait, de plus, l’inefficacité de l’afinitor* à améliorer la qualité de vie chez ces patients.

Infériorité du temps de stabilisation par rapport aux autres drogues : de plus, l’afinitor* s’est révélé inférieur aux produits concurrents, qu’il s’agisse du sutent* en première ligne[4] , du cabozantinib[5] ou du nivolumab[6] , produits dont l’efficacité est, elle-même, très faible .
De plus, une comparaison directe au sutent* en seconde ligne a montré que l’afinitor* lui était inférieur[7]. Devant l’incapacité de l’afinitor* à augmenter la survie globale des malades, il a été proposé de l’associer à l’avastin* mais là aussi sans succès[8].

 

Peu d’efficacité, et complications secondaires au traitement par afinitor* à prendre en compte.

De plus, pour juger de l’utilité de Afinitor* pour les malades, on ne doit pas considérer seulement son efficacité (mineure), mais aussi la mettre en balance avec ses risques et ses inconvénients qui diminuent la qualité de vie.

 

Les arrêts de traitement pour événements indésirables ont été plus fréquents dans le groupe Afinitor*, que dans le groupe placebo (7% vs 0%). Les complications les plus fréquentes sont des pneumopathies (11% )[9], des troubles métaboliques (hyperglycémie dans 12% des malades et/ou dyslipidémie)[10]. Certains sont graves : Le risque létal du traitement par afinitor* atteint 1.8% [11].

 

Considérant l’absence de gain de survie globale et l’impact défavorable de la toxicité sur la qualité de vie, le CED (Committee to Evaluate Drugs) de l’Ontario a refusé de recommander le remboursement de l’afinitor* [12]. L’avis de la haute autorité de santé[13] parait très indulgent: « dans le traitement du cancer du rein avancé en échec à une thérapie ciblée anti-VEGF, AFINITOR* apporte une ASMR mineure (niveau IV) dans la stratégie thérapeutique ». Rappelons que l’ASMR, amélioration du service rendu, à ce niveau traduit vraiment un manque d’efficacité significative.

 

La défaillance des agences de régulation FDA et EMA qui ont délivré l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament toxique incapable d’augmenter significativement la survie des malades, et qui n’ont pas su la remettre en cause est attristante. La mise sur le marché précipitée de drogues inovantes n’apporte trop souvent -comme ici- aucun bénéfice réel pour les malades. Il est indispensable que les agences de régulation reviennent à la mission pour laquelle elles ont été créées : la protection des populations. Un médicament ne doit être mis sur le marché que s’il est utile (cliniquement efficace pour les malades) et non dangereux (rapport bénéfices-risques positif).

La responsabilité de nos décideurs politiques est considérable. En France, le ministère décide du remboursement éventuel et fixe les prix (l’AMM donnée par l’agence européenne s’impose aux pays de l’UE). Le. NICE anglais ne recommande pas l’afinitor*, car le maigre bénéfice espéré ne justifie pas son coût élevé, tant financier qu’en termes de risques iatrogènes (liés au médicament).

Si les « experts ministériels invoquent la nécessité de le commercialiser malgré sa très faible efficacité, les négociations firmes- ministère disposent d’une arme absolue : la licence obligatoire prévue dans les accords de l’OMC. En cas de médicament supposé vital, tout gouvernement peut suspendre l’application du brevet pour permettre à sa population de bénéficier des traitements à un prix supportable.

Le coût d’un traitement par afinitor* atteint plus de 30 000 € par an et par patient. Le prix des médicaments menace notre système de protection sociale, notre compétitivité industrielle (du fait des charges sociales qu’il contribue à augmenter), et la vitalité de notre économie par les prélèvements obligatoires supplémentaires des mutuelles santé et du RDS qui assèchent le pouvoir d’achat de la population. Depuis plus de 15 ans, ils ruinent la sécurité sociale par une politique aberrante (ou complice ?) de prix. Incompétence ? Manque de courage politique ? Corruption ? Quelle qu’en soit la raison, cette politique du « tout pour big pharma » imposée par le pouvoir ministériel, si on la poursuit entrainera à terme la disparition de la sécurité sociale. Elle doit cesser.

 

[1] Motzer RJ Efficacy of everolimus in advanced renal cell carcinoma: a double-blind, randomised, placebo-controlled phase III trial. Lancet. 2008 Aug 9;372(9637):449-56.

[2] Motzer RJ Phase 3 Trial of Everolimus for Metastatic Renal Cell Carcinoma Final Results and Analysis of Prognostic Factors, Cancer September 15, 2010

[3] J L. BEAUMONT Patient-Reported Outcomes in a Phase III Study of Everolimus Versus Placebo in Patients with Metastatic Carcinoma of the Kidney That Has Progressed on Vascular Endothelial Growth Factor Receptor Tyrosine Kinase Inhibitor Therapy The Oncologist 2011;16:632–640

[4] Motzer RJ, et al. Phase II randomized trial comparing sequential first-line everolimus and second-line sunitinib versus first-line sunitinib and second-line everolimus in patients with metastatic renal cell carcinoma. J Clin Oncol. 2014 Sep 1;32(25):2765-72.

[5] Choueiri TK, Escudier B, Powles T, Mainwaring PN, Rini BI, Donskov F, et al. Cabozantinib versus everolimus in advanced renal-cell carcinoma. N Engl J Med. 2015 Nov 5;373(19):1814-23.

[6] Motzer RJ, et al. Nivolumab versus everolimus in advanced renal-cell carcinoma. N Engl J Med. 2015 Nov 5;373(19):1803-13.

[7] Motzer R. RECORD-4: A multicenter, phase II trial of second-line everolimus (EVE) in patients (pts) with metastatic renal cell carcinoma (mRCC). J Clin Oncol 2015;33(suppl; abstr 4518.

[8] T. Flaherty BEST: A Randomized Phase II Study of Vascular Endothelial Growth Factor, RAF Kinase, and Mammalian Target of Rapamycin Combination Targeted Therapy With Bevacizumab, Sorafenib, and Temsirolimus in AdvancedRenal Cell Carcinoma, Clin Oncol 33:2384-2391. © 2015

[9] B A. Gartrell Pulmonary complications with the use of mTOR inhibitors in targeted cancer therapy: a systematic review and meta-analysis Target Oncol. 2014 September ; 9(3): 195–204

[10] Shanthi Sivendrana Metabolic complications with the use of mTOR inhibitors for cancer therapy Cancer Treat Rev. 2014 February ; 40(1): 190–196

[11] Wei-Xiang Qi, Incidence and Risk of Treatment-Related Mortality with mTOR Inhibitors Everolimus and Temsirolimus in Cancer Patients: A Meta-Analysis PLOS ONE | www.plosone.org 1 June 2013 Volume 8 Issue 6

[12] CED Recommendations and Reasons May 2011

[13] COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS 13 janvier 2010

L’Afinitor* [1](évérolimus) a-t-il un véritable intérêt dans le traitement du cancer du sein avancé de la femme ménopausée ?

L’histoire de l’Afitinor (évérolimus) et du cancer du sein montre la faible efficacité des agences du médicament à n’autoriser que les médicaments utiles et celle du ministère de la santé dans les décisions de remboursement et de fixation des prix.

L ’Afinitor* est un inhibiteur du système Mtor, susceptible de ralentir la croissance des cancers, en particulier du cancer du sein. Il a bénéficié d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) aux Etats-Unis 2012 et au Canada le 11 mars 2013 sur la foi de l’étude pivot Boléro 2[2].

Echec seul contre placebo sur la durée de vie

Cette étude – basée sur 724 patientes avec un suivi en médian 18 mois- affirmait que son administration augmentait de 4 mois la stabilisation tumorale (7,8 vs 3,2) par rapport au placebo (aucun traitement actif) sans préciser l’effet sur la survie globale des malades. Deux ans plus tard, une actualisation des résultats montrait que l’évérolimus n’apportait aucun gain de survie globale [3].

Echec avec taxol et avastin

Le laboratoire a tenté d’étendre l’indication de son produit en première ligne thérapeutique en association avec paclitaxel/bevacizumab. Mais ce fut là aussi un échec : l’ajout d’évérolimus n’a pas permis d’améliorer la durée de survie sans progression [4].

Echec avec Herceptine et vinorelbine

Le laboratoire a tenté d’étendre l’indication de son produit en deuxième ou troisième ligne en association avec trastuzumab et vinorelbine. Une prolongation de 42 jours de la « durée de survie sans progression » (=stabilisation tumorale) a été observée (7 mois vs 5.8), mais sans aucune amélioration significative de la survie globale [5].

Au total, aucun essai randomisé, afinitor n’a pu démontré qu’il pouvait apporter un gain de survie globale aux malades ménopausées, atteintes de cancer du sein avancé ou métastatique.

Bénéfices- risques

De plus, pour juger de l’utilité clinique de Afitinor pour les malades, on ne doit pas considérer seulement son efficacité ( en l’occurrence très mineure), mais aussi la mettre en balance avec ses risques et inconvénients qui diminuent la qualité de vie et peuvent également la raccourcir en cas de complications létales.

Les malades traités par Afitinor souffrent en effet de stomatite (59%), de rash (39%), de fatigue intense (37%), de diarrhée (34%), de nausées (31%), et d’une perte de l’appétit (31%).

Surtout la moitié des patientes souffrent de complications sévères (de degré 3 ou 4) imposant l’arrêt du traitement chez 24% d’entre eux.

Les effets secondaires graves comprennent : des pneumopathies non infectieuses (pneumopathie interstitielle); des infections; des insuffisances rénales. la réactivation de l’hépatite B et des embolies pulmonaires[6].

Ces complications entraînent la mort de 2% des malades traités.

 

Considérant l’absence de gain de survie globale et l’impact défavorable de la toxicité sur la qualité de vie, l’avis de la haute autorité de santé[7] : « AFINITOR associé à l’exémestane apporte une amélioration du service médical rendu mineure (ASMR IV) chez les femmes ménopausées sans atteinte viscérale symptomatique, dès récidive ou progression de la maladie » parait très indulgent.[8]

 

La défaillance des agences de régulation FDA et EMA qui ont délivré l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament toxique incapable d’augmenter significativement la survie des malades, et qui n’ont pas su la remettre en cause est attristante. La mise sur le marché précipitée de drogues innovantes n’apporte trop souvent, comme ici aucun bénéfice réel pour les malades.

Il est indispensable que les agences de régulation reviennent à la mission pour laquelle elles ont été créées : la protection des populations. Un médicament ne doit être mis sur le marché que s’il est utile (cliniquement efficace pour les malades) et non dangereux.

La responsabilité de nos décideurs politiques est considérable. En France, le ministère doit commercialiser la drogue lorsque l’agence européenne l’a autorisé.
Il décide du remboursement éventuel et fixe les prix. Le NICE anglais ne recommande pas l’afinitor, car le maigre bénéfice espéré ne justifie pas son coût élevé, tant financier que médical par la lourdeur des complications.

 

Rien ne justifie la commercialisation à des prix très élevés pour des drogues peu efficaces et dangereuses. Dans les négociations avec les firmes, le ministère dispose d’une arme absolue : la licence obligatoire prévue dans les accords de l’OMC : en cas de médicament considéré comme vital par les « experts », tout gouvernement peut suspendre l’application du brevet pour permettre à sa population de bénéficier des traitements à un prix supportable. Le coût d’un traitement par afinitor* atteint plus de 36000 € par an et par patient. Le prix des médicaments nouveaux menace notre système de protection sociale, notre compétitivité industrielle (du fait des charges sociales qu’il contribue à augmenter), et la vitalité de notre économie par les prélèvements obligatoires supplémentaires des mutuelles santé et du remboursement de la dette sociale, qui assèchent le pouvoir d’achat de la population. Depuis plus de 15 ans, avec la mise en place des plans cancers et le remboursement à 100% hors budget global des hôpitaux, ils ruinent la sécurité sociale par une politique aberrante (ou complice ?) de prix. Incompétence ? Manque de courage politique ? Corruption ? Quelle qu’en soit la raison, cette politique du « tout pour big pharma », si on la poursuit entrainera à terme la disparition de la sécurité sociale et entre temps fait perdre des chances de survie aux malades auxquels on impose trop souvent l’usage de ces drogues « nouvelles » peu efficaces et à haut risque de complications graves, en lieu et place des traitements éprouvés. A nous tous, médecins, soignants, patients et citoyens d’imposer un retour au bon sens.

 

[1] Commission de la transparence HAS

AVIS 3 avril 2013

AFINITOR 5 mg, comprimé Boîte de 30 (CIP : 34009 396 281 1 0) AFINITOR 10 mg, comprimé Boîte de 30 (CIP : 34009 396 282 8 8)

Laboratoire NOVARTIS PHARMA S.A.S

DCI évérolimus

Code ATC (année) L01XE10 (inhibiteur de protéine kinase)

Motif de l’examen Extension d’indication

Listes concernées

Sécurité Sociale (CSS L.162-17) Collectivités (CSP L.5123-2)

Indication concernée

« Afinitor est indiqué dans le traitement du cancer du sein avancé avec récepteurs hormonaux positifs, HER2/neu négatif, en association avec l’exémestane, chez les femmes ménopausées sans atteinte viscérale symptomatique dès récidive ou progression de la maladie et précédemment traitées par un inhibiteur non-stéroïdien de l’aromatase »

[2] Baselga J et al (2012). Everolimus in postmenopausal hormone receptor-positive advanced breast cancer. N Engl JMed 366, 520–529.

[3] M. Piccart Everolimus plus exemestane for hormonereceptor- positive, human epidermal growth factor receptor-2-negative advanced breast cancer: overall survival results from BOLERO-2† Annals of Oncology 25: 2357–2362, 2014

[4] Yardley DA Paclitaxel, bevacizumab, and everolimus/placebo as first-line treatment for patients with metastatic HER2-negative breast cancer: a randomized placebo-controlled phase II trial of the Sarah Cannon Research Institute. Breast Cancer Res Treat. 2015 Nov;154(1):89-97.

[5] André F. Everolimus for women with trastuzumab-resistant, HER2-positive, advanced breast cancer (BOLERO-3): a randomised, double-blind, placebo-controlled phase 3 trial. Lancet Oncol. 2014 May;15(6):580-91

[6] Afi santé Canada 2015

[7] HAS Afitinor avis du 15 avril 2015

[8] ttps://www.vidal.fr/Medicament/afinitor-94752-prescription_delivrance_prise_en_charge.htm

LISTE I

Médicament soumis à prescription hospitalière.
Prescription réservée aux spécialistes en oncologie ou en hématologie, ou aux médecins compétents en cancérologie.
Médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement.
AMM EU/1/09/538/009 ; CIP 3400926788414 (RCP rév 26.05.2016) cp à 2,5 mg.
EU/1/09/538/001 ; CIP 3400939628110 (RCP rév 26.05.2016) cp à 5 mg.
EU/1/09/538/004 ; CIP 3400939628288 (RCP rév 26.05.2016) cp à 10 mg.
Prix : 1408,95 euros (30 comprimés à 2,5 mg).
2716,59 euros (30 comprimés à 5 mg).
3500,11 euros (30 comprimés à 10 mg).
Remb Séc soc à 100 % et Collect dans les indications suivantes :

·       cancer du sein avancé avec récepteurs hormonaux positifs ;

·       tumeurs neuroendocrines d’origine pancréatique ;

·       cancer du rein.

Non remb Séc soc et non agréé Collect dans l’indication « tumeurs neuroendocrines d’origine gastro-intestinale ou pulmonaire » à la date du 09.06.16 (demandes à l’étude).

 

Des informations détaillées sur ce médicament sont disponibles sur le site internet de l’Agence européenne des médicaments : http://www.ema.europa.eu.

Le styvarga* -regorafenib- n’ est pas utile dans le cancer du côlon et comporte des risques non négligeables [1]

Par Gérard Delépine, chirurgien cancérologue, statisticien

L’histoire du styvarga* et du cancer du côlon montre la faible efficacité des agences du médicament pour n’autoriser que les médicaments utiles et celle du ministère de la santé dans les décisions de remboursement et de fixation des prix qui privilégient l’intérêt de l’industrie aux dépens de la sécurité des malades et des finances de notre système de santé.

Le styvarga* (rogaferid) est un inhibiteur des protéines kinases, susceptible de ralentir la croissance des cancers, en particulier du cancer du côlon. Il a bénéficié d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) aux Etats-Unis le 27 septembre 2012 et au Canada le 11 mars 2013 sur la foi de l’étude pivot CORRECT[2] . Cette étude affirmait (sur 760 patients suivis en moyenne 10 mois) que son administration augmentait de 6 jours la stabilisation tumorale et de 45 jours (6.4 vs 5 mois) la durée médiane de survie par rapport au placebo (aucun traitement actif). L’essai CONCUR[3] a confirmé le petit gain de survie pour les malades asiatiques souffrant de cancer colique métastatique.

Bénéfices – risques

Pour juger de l’utilité de stivarga*, pour les malades on ne doit pas considérer seulement sa faible efficacité, mais aussi la mettre en balance avec ses risques et inconvénients qui diminuent la qualité de vie.

 

Complications de la molécule

Les malades traités par styvarga* souffrent de fatigue (63 %), de syndrome main-pied (47%), d’anorexie (47 %), de diarrhée (43%), d’une perte de poids (32%), de dysphonie (32 %) , d’hypertension (30 %), de rash cutané ou de desquamation (29%), de mucite ou de stomatite (29%), de fièvre (28 % ), d’hyper bilirubinémie (20%), d’hémorragies (20%) et d’ infections (25%).

L’incidence globale des « événements indésirables » graves considérés comme liés au stivarga atteint 11,8% : qu’il s’agisse d’infarctus du myocarde[4], d’hépatite toxique parfois fatale, de perforation digestive[5], d’encéphalopathie par hyperammoniémie[6], d’encéphalopathie postérieure réversible.. Cette fréquence élevée d’effets secondaires indésirables, parfois même mortels fait pencher la balance bénéfices-risques, du côté des risques.

Daniel Goldstein[7] et ses co-auteurs de l’université d’Atlanta évaluent négativement le rapport efficacité prix du stivarga* et l’avis de la haute autorité de santé[8] française conclue : « STIVARGA* n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu (ASMR V, inexistante) dans la prise en charge des patients atteints d’un cancer colorectal métastatique en échec ou ne relevant pas des traitements disponibles ».

La défaillance des agences de régulation FDA et EMA qui ont délivré l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament globalement inutile et toxique et qui n’ont pas su la remettre en cause est attristante. La mise sur le marché précipitée de drogues inovantes n’apporte trop souvent- comme avec cette drogue- aucun bénéfice réel pour les malades et les exposent à des toxicités mal connues et parfois létales.

Il est indispensable que les agences de régulation reviennent à la mission pour laquelle elles ont été créées : la protection des populations. Un médicament ne doit être mis sur le marché que s’il est utile (cliniquement efficace pour les malades) et non dangereux.

La responsabilité de nos décideurs politiques est considérable. En France, le ministère décide du remboursement éventuel et fixe les prix. Dans les négociations avec les firmes, le ministère dispose d’une arme absolue : la licence obligatoire prévue dans les accords de l’OMC : en cas de médicament considéré comme vital, tout gouvernement peut suspendre l’application du brevet pour permettre à sa population de bénéficier des traitements à un prix supportable.

Le coût d’un traitement par styvarga* atteint plus de 28000 euros par an et par patient. Le prix des médicaments innovants menace notre système de protection sociale, notre compétitivité industrielle (du fait des charges sociales qu’il contribue à augmenter), et la vitalité de notre économie par les prélèvements obligatoires supplémentaires des mutuelles santé et du RDS qui assèchent le pouvoir d’achat de la population. Depuis plus de dix ans, ils ruinent la sécurité sociale par une politique aberrante (ou complice ?) de prix. Incompétence ? Manque de courage politique ? Corruption ? Quelle qu’en soit la raison, cette politique du « tout pour big pharma », si on la poursuit entrainera à terme la disparition de la sécurité sociale. L’Angleterre s’est doté d’un organisme, le Nice, qui n’autorise le remboursement que si le rapport efficacité/prix est raisonnable. Quand choisira-t-on en France des décideurs capables de faire mieux pour notre pays ?

 

[1] Avis de la CT du 14 mai 2014 :

Pas d’avantage clinique démontré dans la prise en charge du cancer colorectal métastatique.

Intérêt clinique faible en cas de score de performance (ECOG) égal à 0 ou 1.

  • STIVARGA a l’AMM en monothérapie dans le traitement des patients adultes atteints d’un cancer colorectal métastatique qui ont été traités antérieurement ou qui ne sont pas éligibles aux traitements disponibles, notamment une chimiothérapie à base de fluoropyrimidine, un traitement par anti-VEGF et  un traitement par anti-EGFR.
  • Par rapport au placebo, il améliore faiblement la survie globale et s’accompagne d’une toxicité importante.

Amélioration du service médical rendu (ASMR)

V (absence) Compte tenu du profil de tolérance et de la faible quantité d’effet, la Commission considère que STIVARGA n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu (ASMR V, inexistante) dans la prise en charge des patients atteints d’un cancer colorectal métastatique en échec ou ne relevant pas des traitements disponibles (chimiothérapie à base de fluoropyrimidine, traitement par anti-VEGF et traitement par anti-EGFR) et dont le score de performance est de 0 ou 1.

[2] R Grothey A : Regorafenib monotherapy for previously treated metastatic colorectal cancer : an international, multicenter, randomised, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet. 2013 Jan 26;381(9863):303-12.

[3] CONCUR Study Annals of Oncology, Volume 25 suppl 2 June 2014 (Ann Oncol 2014 Jun; 25 (Suppl 2): 1-117)

[4] Or Abdel-Rahman,,R isk of cardiovascular toxicities in patients with solid tumors treated with sunitinib, axitinib, cediranib or regorafenib: An updated systematic review and comparative meta-analysis Onco Hemat 2014

[5] G Ogata K astrointestinal perforation during regorafenib administration in a case with hepatic metastases of colon cancer. J Chemother. 2016 Jul 20:1-3.

[6] JHiroki Kitamoto Regorafenib-Induced Hyperammonemic Encephalopathy in Metastatic Colon Cancer Case Report ournal of ISSN: 2373-633XJCPCR Cancer Prevention & Current Research Volume 3 Issue 2 – 2015

[7] D A. Goldstein,Cost-Effectiveness Analysis of Regorafenib for Metastatic Colorectal Cancer J Clin Oncol 33:3727-3732. © 2015

[8] Avis du14 mai 2014

Cometriq*[1] cabozantinib et cancer médullaire de la thyroïde de l’adulte localement avancé ou métastatique symptomatique.
Un miracle chasse l’autre …

 

Comme Caprelsa* n’est pas le miracle espéré[2], pas d’inquiétude, une nouvelle merveille suit. Le Cometriq * (cabozantinib ) est un inhibiteur de tyrosine kinase multi cible visant les facteurs de croissances EGFR, VEGFR et l’oncogène RET, susceptible de ralentir la croissance des tumeurs et en particulier des rares carcinomes médullaires de la thyroïde[3].

 

« Autorisation accélérée » aux USA en 2012 : une seule étude Exam et en avant ! AMM ET REMBOURSEMENT A 100%

 

Il a bénéficié le 29/11/ 2012 d’un processus d’autorisation accélérée de mise sur le marché par la FDA[4] puis par l’EMA le 21/03/ 2014 sous le statut de « médicament pour maladie orpheline » sur la foi de l’étude pivot EXAM[5] affirmant (sur 330 malades avec un suivi médian de 14 mois) qu’il augmentait la durée médiane de stabilisation tumorale de 7.2 mois (11,2 mois avec contre 4 sans traitement).

 

Lors de la publication initiale de l’étude EXAM, les auteurs ne donnaient pas de résultats précis de survie globale, prétextant un recul trop court. Deux ans plus tard, ils confirmaient l’incapacité du cometriq* à augmenter[6] la durée de vie, en dehors des rares (environ 20%) malades porteurs de tumeurs avec mutation du gène RET pour lesquels ils espéraient encore. L’ AMM conditionnelle de l’EMA précise : « chez les patients pour lesquels la mutation réarrangée au cours d’une transfection (RET) n’est pas connue ou est négative, l’éventualité d’un bénéfice plus faible doit être prise en considération avant la décision d’un traitement individuel ». Efficacité plus faible !! Que va-t-il rester ?

 Et 5 ans après l’autorisation de mise sur le marché aux USA, aucun bénéfice de survie globale n’a été rapporté par une essai randomisé.

 

Qu’importe, on continue !

Or dans le cadre d’une maladie d’évolution imprévisible (et souvent très lente dans ce cas précis),l’augmentation de la durée de survie globale est l’élément majeur pour affirmer l’utilité d’un médicament.

Le suivi des patients et des familles atteintes -chez plusieurs membres -de cette maladie héréditaire rare[7], confirme ce que dit la littérature internationale : l’évolution est lente et imprévisible et les malades suivis depuis plus de trente sans traitement actif ans sont légion. Des malades présentant des métastases pulmonaires sont suivis depuis plus de dix ans par notre équipe ou ses correspondants. [8]

 

 

Un danger spécifique à ce cancer de la thyroïde à prendre en compte.

 En dehors des cancers dits sporadiques, ce cancer s’intègre souvent dans des syndromes associant plusieurs maladies neuroendocriniennes, comportant par exemple les phéochromocytomes, tumeurs surrénaliennes révélées éventuellement par des variabilités tensionnelles majeures mais souvent peu parlantes cliniquement pendant de longues années. Il s’insère également fréquemment dans le cadre d’un syndrome malformatif de type marfanoïde avec atteintes vasculaires (néoplasies endocriniennes multiples type 2B).

Ces précisions sont nécessaires pour soupeser le contexte dans lequel on propose le Cometriq *. Précisons que ce cancer n’est « sporadique », c’est-à-dire isolé que tant que les médecins n’ont pas découvert la pathologie associée comme le phéochromocytome qui peut se manifester bien des années plus tard. Donc vigilance  car il est probable que la concomitance de pathologies associées rendrait encore plus risquée l’utilisation de cette molécule.

Car ce médicament est non seulement inefficace, mais il est aussi dangereux ! et probablement d’autant plus en cas d’affections associées.

 

 

COMPLICATIONS du Cometriq *

Il expose à de multiples complications[9] : diarrhée, syndrome mains pieds, qui implique une éruption cutanée et un engourdissement des paumes et de la plante des pieds), perte de poids, et d’appétit, nausées, fatigue, troubles du goût, changements de couleur des cheveux, hypertension, inflammation des muqueuses dont les stomatites (inflammation des muqueuses de la bouche), constipation, vomissements, faiblesse et modification du son de la voix.

Les anomalies sanguines couramment observées sont une élévation des enzymes hépatiques (SGPT, SGOT et phosphatases alcalines), un taux trop élevé de bilirubine témoignant d’une atteinte hépatique, trop faible nombre des globules blancs (lymphopénie ou neutropénie), ou des plaquettes (thrombocytopénie) traduisant la toxicité sur la moelle sanguine, et des troubles métaboliques :hypocalcémie , hypophosphatémie, hypomagnésémie, et/ou hypokaliémie.

Mais des complications plus graves encore émaillent parfois la vie des patients qui absorbent ce médicament : pneumonie, dysphagie (difficulté à avaler), déshydratation, embolie pulmonaire (caillots dans les vaisseaux sanguins irriguant les poumons) dangereuse et parfois mortelle, hypertension, abcès, des fistules gastro intestinales(3,3%) ou d’autres localisations (3,7%) et des hémorragies sévères (1%) pouvant aussi entraîner la mort. Une ostéolyse de la machoire a été signalée, imposant un suivi stomatologique rapproché. Enfin les habituelles possibilités de leucoencéphalite avec ce type de drogues sont également à craindre et déjà retrouvées.

 

Au total : 72% des malades doivent réduire les doses du traitement[10] et un malade sur 6 est contraint de l’arrêter pour intolérance. C’est une proportion très importante traduisant la trop courte étude avant commercialisation et/ ou la trop grande « tolérance » des agences pour accorder l’AMM certes transitoire mais si rarement remise en question !

 

L’évaluation de la qualité de vie par le module spécifique pour la thyroïde MDASI THY a montré une détérioration du score dans le groupe Cometriq par rapport au groupe placebo, à la 12ème semaine de traitement, du fait d’une augmentation de l’incidence et de la sévérité des symptômes notamment gastro-intestinaux.

 

Insuffisamment efficace sur la tumeur, incapable d’augmenter la survie des malades et dangereux, le Cometriq * se révèle donc inutile pour les malades.

Sa toxicité potentiellement mortelle fait pencher la balance avantage/risques nettement du côté des risques et le fait classer dans la liste des médicaments dangereux de la revue Prescrire 2017[11].

 

La responsabilité des agences

 Il faut une fois de plus souligner la responsabilité des agences de régulation des médicaments (FDA et EMA) qui ont accordé une autorisation de mise sur le marché à un médicament, sans en connaitre ni les indications précises (pas de test compagnon Ret validé) ni la posologie optimale[12] !

AMM sans dose précise conseillée !

Ainsi que le constate l’EMA qui précise « le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché s’est engagé à conduire avant le 31 mars 2019 une étude de comparaison des doses (XL-184-401) (140 mg vs 60 mg) chez 112 patients atteints d’un cancer médullaire de la thyroïde (CMT),héréditaire ou sporadique ».

Cette AMM donnée sur la seule affirmation d’une stabilisation transitoire de la progression tumorale, sans gain de survie globale, sans prise en compte de la toxicité a transformé ainsi, à leur insu, de nombreux malades en cobayes ! Cobayes dont certains risqueront de perdre la vie du fait du médicament, tandis que beaucoup souffriront de complications auxquelles ils n’auraient jamais dû être exposés. On peut vraiment parler d’AMM « pony express » pour l’équivalent d’une phase 1 (recherche de la dose adéquate).

De plus, ces agences n’ont toujours pas suspendu l’AMM alors que le processus d’autorisation accélérée dont a bénéficié le cabozantinib* aux USA et l’autorisation de mise sur le marché conditionnelle attribuée par l’EMA prévoit que les informations manquantes doivent être fournies par la firme pharmaceutique lors d’études complémentaires permettant d’évaluer le bénéfice réel et le risque de complications. A ce jour aucune des études prévues n’a été publié et l’AMM n’a pas été suspendue.

A   ce jour, ce médicament n’est pas commercialisé en France dans cette indication, le dossier d’AMM étant probablement en attente à l’ANSM[13]. Il est néanmoins commercialisé sous le nom de Cabometyx * pour le cancer avancé du rein.[14]

 

POSOLOGIES RECOMMANDEES : dose recommandée de COMETRIQ est de 140 mg une fois par jour, prise sous la forme d’une gélule orange de 80 mg et de trois gélules grises de 20 mg. Traitement poursuivi aussi longtemps qu’il existe un bénéfice pour le patient ou jusqu’à la survenue d’une toxicité intolérable.

Compte-tenu de la toxicité du cabozantinib, une surveillance rapprochée des patients traités doit être mise en place au cours des huit premières semaines de traitement afin de pouvoir procéder si nécessaire, aux adaptations de la posologie.   Une interruption temporaire de l’administration et/ou une réduction de la posologie peuvent être justifiées en fonction de l’évaluation individuelle de la tolérance.

[2] Cf article sur caprelsa* sur notre site

[3] Sans rapport avec l’habituel cancer papillaire de la thyroïde , le carcinome médullaire de la thyroide est une vraie maladie rare héréditaire et familiale d’évolution le plus souvent très lente sur des décennies, évolution extrêmement variable d’un patient à l’autre.

[4] US Food and Drug Administration. Approved Drugs: Cabozantinib; 2012.

[5] Rossella Elisei, Cabozantinib in Progressive Medullary Thyroid Cancer J Clin Oncol 31:3639-3646. © 2013

[6] Schlumberger M, Elisei R, Muller S, et al. Final overall survival analysis of EXAM, an international, double-blind, randomized, placebo-controlled phase Ill trial of cabozantinib (Cabo) in medullary thyroid carcinoma (MTC) patients with documented RECIST progression at baseline. Presented at: The 2015 Annual Meeting of the American Society of Clinical Oncology, Chicago, IL; 2015. Abstract 6012

[7] Tant en clinique que dans le   groupe d’études des tumeurs à calcitonine créé en 1984

[8] Même le laboratoire Sanofi genzyme qui commercialise le Caprelsa précise à juste raison : « la décision d’utiliser CAPRELSA doit être soupesée avec soin en se fondant sur une évaluation des risques et des bienfaits chez les patients présentant une maladie indolente, asymptomatique ou d’évolution lente en raison des risques importants liés au traitement. CAPRELSA ne doit être prescrit que par un médecin qualifié agréé aux fins du Programme de distribution restreinte de CAPRELSA, et ayant de l’expérience dans l’administration des antinéoplasiques et le traitement du cancer médullaire de la thyroïde. Il est évident que ces précautions devraient s’appliquer également pour Cometriq* !

[9] Agence européenne du médicament Résumé EPAR à l’intention du public Cometriq cabozantinib

[10] Kurzrock R, Sherman SI, Ball DW, et al. Activity of XL184 (Cabozantinib), an oral tyrosine kinase inhibitor, in patients with medullary thyroid cancer. J Clin Oncol. 2011;29(19):2660–2666.

[11] Site www.prescrire.org

[12] Jadis, au siècle dernier, c’étaient les essais de phase I qui résolvaient ce problème, soit deux étapes avant la présentation pour l’AMM

[13] Agence française du médicament

[14] Voir chapitre adapté

Exemple 9 : Vectibix* et cancer du colon : autre espoir déçu

Le panitumumab (Vectibix*) est un anticorps monoclonal IG2 dirigé contre le facteur de croissance tumoral EGFR et susceptible de ralentir la croissance des tumeurs et en particulier des cancers du côlon.

 

Une étude initiale dite PIVOT : gain de cinq jours de stabilisation contre rien !

Il a bénéficié d’un processus d’autorisation accélérée de mise sur le marché par la FDA en 2006[1] sur la foi d’une étude pivot affirmant (sur 463 malades suivis en moyenne 9 mois) qu’il augmentait la durée médiane de stabilisation tumorale de 5 jours (8 semaines avec Vectibix* versus 7.3 sans traitement) sans augmenter la durée de survie globale[2]. Mais même ce pauvre et maigre bénéfice n’a pas été confirmé par les études ultérieures.

 

Inutile, voire nocif dans la population tout venant atteinte de cancer colorectal métastatique. Perte de plusieurs mois de vie !

Dans la population sans sélection génétique, le vectibix* est inutile, et souvent même, délétère. Dans l’essai Pacce[3], l’addition du vectibix* à l’association bevacizumab-oxaliplatine diminue la survie sans progression médiane de 1,5 mois (8,5 mois avec Vectibix contre 10 mois sans la drogue) et la survie globale de 5 mois (19,4 vs 24.5 mois) tout en augmentant la toxicité. Ce sévère échec du vectibix* a motivé l’avis de juillet 2010 de la HAS : « Cette utilisation constitue une situation non acceptable ».

 

Nouvel espoir : un groupe de patients dont la tumeur est dite « sauvage » serait-il plus sensible à l’effet du Vectibis* ? Non , la tumeur serait moins méchante, mais indépendamment !

 

En 2014, il a bénéficié d’une nouvelle AMM comme traitement de seconde ligne après l’essai Prime III (sur 656 malades) proclamant que l’ajout de vectibix* à la chimiothérapie Folfox augmentait de 48 jours la stabilisation tumorale[4] et de 4 mois la durée médiane de survie globale des malades souffrant de tumeurs coliques Kras non mutées(Kras sauvage ou WT).

Mais la même année, l’essai 20050181[5] étudiait l’effet de l’ajout de vectibix* à la chimiothérapie Folfiri (sur 557 malades suivis en moyenne 59 semaines). Il proclamait que l’addition de vectibix* au folfiri augmentait de 84 jours la non progression tumorale des tumeurs Kras non muté , mais sans apporter aux malades d’amélioration significative de la survie globale[6].

 

On peut alors se demander si le « Kras status WT » ne confère pas un avantage pronostique par lui-même, ainsi que le suggèrent les courbes suivantes tirées de l’analyse d’Amado[7] : elles ne mettent en évidence aucun gain significatif de survie globale, même pour les malades atteints de tumeurs « Kras sauvage ».

Pas d’effet non plus en deuxième ligne de traitement.

Dans l’étude Piccolo, l’ajout du vectibix* à la chimiothérapie de deuxième ligne des malades souffrant de tumeurs Kras sauvage n’augmente pas la survie globale et aggrave la toxicité[8].

Le vectibix* ne parait pas non plus utile après échec d’erbitux* (cetuximab)[9] [10].

 

La méta analyse de 2015 de Rosa[11] conclue « l’addition d’antigènes monoclonaux à la chimiothérapie des cancers coliques ne prolonge, ni la stabilisation tumorale, ni la survie globale ».

Le NICE [12] ne recommande pas sa prescription[13] ni la Haute Autorité de santé qui précise : « En l’état actuel des données, VECTIBIX* n’apporte pas d’amélioration du service médicale rendu (ASMR V, inexistante) dans la prise en charge du cancer colorectal métastatique avec un statut RAS non muté ».

 

Pas utile, mais dangereux.

Ce traitement expose en outre à de multiples complications : complications cutanées exacerbées par l’exposition au soleil, kératite pouvant devenir ulcérative, réaction allergique lors de la perfusion (sévère chez 1% des malades) fièvre , toux, dyspnée, bronchospasme, chute tensionnelle menaçant parfois la vie, douleurs abdominales, stomatite, diarrhées (23%), nausées (5%), vomissements(5% ), déshydratation (16%) pouvant entrainer une défaillance rénale, infection (3%), troubles métaboliques (hypo-magnésémie, hypocalcémie, hypokaliémie,), pneumopathie interstitielle pouvant entrainer la mort, fibrose pulmonaire .

Insuffisamment efficace sur la tumeur, incapable d’augmenter la survie des malades, quel que soit le statut Kras de la tumeur, et toxique le vectibrix* se révèle donc inutile.La revue Prescrire classe le vectibix* dans sa liste des médicaments dangereux[14].

 

Pourquoi est -il encore autorisé et remboursé à ce jour ?

Il faut une fois de plus souligner la responsabilité des agences de régulation des médicaments (FDA et EMA) qui ont accordé une autorisation de mise sur le marché à un médicament supposé ralentir de 5 jours (!!!) la progression tumorale sans prolonger la survie et transformé ainsi à leur insu de nombreux malades en cobayes. Cobayes dont un grand nombre (les 55% de malades Kras mutés), ont du fait de cette AMM, perdu 5 mois de survie, tout en souffrant de complications auxquelles ils n’auraient jamais dû être exposés.

On doit aussi rappeler la responsabilité du ministre de la santé qui a accepté de payer à un prix exorbitant ce médicament globalement inutile et dangereux et creusé un peu plus le déficit de la sécurité sociale, alors que d’autres pays voisins en ont refusé le remboursement.

LISTE I

Médicament réservé à l’usage hospitalier.
Prescription réservée aux spécialistes en oncologie ou en hématologie, ou aux médecins compétents en cancérologie.
Médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement.
AMM EU/1/07/423/001 ; CIP 3400957181857 (RCP rév 10.11.2016) 5 ml.
EU/1/07/423/003 ; CIP 3400957182168 (RCP rév 10.11.2016) 20 ml.
Collect, excepté dans l’indication « en première ligne en association avec un protocole FOLFIRI », non agréée aux collectivités à la date du 16.03.2017 (demande d’admission à l’étude).
Prix ou tarif de responsabilité (HT) par UCD : UCD 3400893071830 (flacon de 5 ml) : 365,500 euros.
UCD 3400893071779 (flacon de 20 ml) : 1462,000 euros.
Inscrit sur la liste des spécialités prises en charge en sus des GHS.

 

Titulaire de l’AMM : Amgen Europe BV, Minervum 7061, NL-4817 ZK Breda, Pays-Bas.


[1] Giusti RM et al (2008) US Food and Drug Administration approval: panitumumab for epidermal growth factor receptor expressing metastatic colorectal carcinoma with progression following fluoropyrimidine, oxaliplatin, and irinotecan-containing

chemotherapy regimens Clin Cancer Res 14(5) 1296–302

[2] Van Cutsem E, Peeters M, Siena S, et al. Open-label phase III trial of panitumumab plus best supportive care alone in patients with chemotherapyrefractory metastatic colorectal cancer. J Clin Oncol. 2007;25:1658–1664

[3] J. R Hecht A Randomized Phase IIIB Trial of Chemotherapy, Bevacizumab, and Panitumumab Compared With Chemotherapy and Bevacizumab Alone for Metastatic Colorectal Cancer J Clin Oncol 27:672-680. © 2008

[4] Douillard JY, Siena S, Cassidy J, Tabernero J, Burkes R, Barugel M, et al. Randomized, phase III trial of panitumumab with infusional fluorouracil, leucovorin, and oxaliplatin (FOLFOX4) versus FOLFOX4 alone as first line treatment in patients with previously untreated metastatic colorectal cancer: the PRIME study. J Clin Oncol 2010;28(31):4697-4705.

[5] M. Peeters et al Final results from a randomized phase 3 study of FOLFIRI ± panitumumab for second-line treatment of metastatic colorectal cancer Annals of Oncology 25: 107–116, 2014

[6]M. Peeters et al Final results from a randomized phase 3 study of FOLFIRI ± panitumumab for second-line treatment of metastatic colorectal cancer Annals of Oncology 25: 107–116, 2014

[7] Rafael G. Amado, Wild-Type KRAS Is Required for Panitumumab Efficacy in Patients With Metastatic Colorectal Cancer Clin Oncol 26:1626-1634. © 2008

[8] M T Seymour Panitumumab and irinotecan versus irinotecan alone for patients with KRAS wild-type, fl uorouracil-resistant advanced colorectal cancer (PICCOLO): a prospectively stratified randomised trial, Lancet Oncol 2013; 14: 749–59

[9] Wadlow RC, Panitumumab in patients with KRAS wild-type colorectal cancer after progression on cetuximab. Oncologist 2012; 17: 14

[10] Ohhara Y, Circulating Tumor Cells as Prognostic Marker in Japanese patients with Kras Wild-type Metastatic Colorectal Cancer Receiving Panitumumab after Progression on Cetuximab. J Cytol Histol 2014 5: 204

[11] Bruno Rosa, Effectiveness and safety of monoclonal antibodies for metastatic colorectal cancer treatment: systematic review and meta-analysis ecancer 2015, 9:582 DOI: 10.3332/ecancer.2015.582

[12] NICE agence du médicament anglaise.

[13] Hoyle, M, Crathorne, L, Peters, J, et al. The clinical effectiveness and cost-effectiveness of cetuximab (mono- or combination chemotherapy), bevacizumab (combination with non-oxaliplatin chemotherapy) and panitumumab (monotherapy) for the treatment of metastatic colorectal cancer after first-line chemotherapy (review of technology appraisal No.150 and part review of technology appraisal No. 118): a systematic review and economic model. Health Technol Assess. 2013 Apr;17(14):1-237

[14] « Pour mieux soigner, des médicaments à écarter : bilan 2017 » Rev Prescrire 2017 ; 37 (400) : 137-148.

Médicaments inutiles, toxiques et hors de prix

Exemple 8 : Avastin* (Bevacizumab) dans le cancer du poumon

Par Dr Gérard Delepine, chirurgien oncologue et statisticien

Au milieu des années 2000, l’arrivée sur le marché de molécules visant à empêcher les tumeurs d’être nourries à travers leurs petits vaisseaux, appelées les anti-angiogenèses a entrainé beaucoup d’espoirs. L’avastin* en est l’exemple type avec son activité prouvée de ralentir un temps la croissance tumorale, mais aussi son incapacité à augmenter la survie globale des malades et sa trop grande toxicité.

Avastin* pour les cancers avancés, récidivants ou métastatiques.

L’avastin* a d’abord été proposé comme traitement de première ligne en association avec la chimiothérapie. Il a bénéficié d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) pour les cancers du poumon avancés par la FDA le 11 10 2006 sur la foi de l’étude pivot ECOG 4599 .

Cette étude Pivot affirmait (sur 876 patients suivis pendant une durée médiane de 19 mois) que son administration améliorait de 2 mois la survie globale (12 vs 10 mois) des malades et de 20% le taux de réponse de la tumeur (35% vs 15%) par rapport au traitement par chimiothérapie seule[1]. Mais la réalité d’une amélioration de la survie globale par avastin* n’a pas été confirmée.

Une étude jamais confirmée par les essais ultérieurs internationaux.

Ainsi dans l’essai européen Avail (portant sur 1043 malades) l’ajout d’avastin* à la chimiothérapie par gemcitabine-placitaxel augmente le taux de réponse de 14% et la durée de survie sans progression tumorale (= stabilisation tumorale) de 18 jours, mais n’augmente pas significativement la survie [2]. De même dans l’essai japonais JO19907 publié par Nishio[3].

La macroanalyse de Botrel[4] résumant 4 essais randomisés (portant sur 2500 malades ) évaluant l’ajout d’avastin* à la chimiothérapie conclut « l’utilité de l’avastin pour augmenter la survie globale demeure très incertaine du fait de la qualité médiocre des essais dont on dispose, alors que sa toxicité est certaine ».

Avastin* en rattrapage : échec .

 

Devant l’échec de l’avastin* en première ligne, il a été proposé comme traitement de rattrapage après échec d’autres traitements, ou comme traitement de maintenance en complément d’une chimiothérapie efficace.

La maintenance par avastin* prolonge la stabilisation tumorale, mais se révèle incapable d’allonger la survie, que ce soit dans l’essai AVAPERL[5], Point break [6]ou de l’essai BeTa[7]. C’est ce que constate Roviello[8] dans sa macroanalyse de 2016 «la maintenance par thérapie ciblée n’améliore pas la survie globale ».

Avastin* comme traitement complémentaire d’une tumeur opérable : inutile.

L’avastin est également inutile pour les malades souffrant de tumeurs localisées opérables. Les résultats de l’essai EI505[9] montrent que l’ajout de Bévacizumab à la chimiothérapie classique après ablation chirurgicale complète de la tumeur n’améliore pas la durée de survie des patients, comme l’illustrent les courbes présentées au 16ème congrès mondial du cancer du poumon.

Cette incapacité globale de l’avastin* à améliorer la survie globale est confirmée par plusieurs grandes études appelées « méta-analyses »[10]. Citons celle de Villaruz en 2015 [11] et celle de Raphael[12] en 2017 qui confirment elles aussi que les anti-angiogenèses entraînent des réponses (courtes), et augmentent la survie sans progression (= stabilisation tumorale) (de quelques semaines) par rapport à l’absence de traitement (comparaison au bras placebo), mais n’apportent aucun bénéfice en termes de survie globale.

Cet échec rappelle les mises en garde prémonitoires de F Duffaud et P Therasse en 2000[13]. « Peu de traitements démontrant une activité anti tumorale en phase Il se traduisent par un bénéfice clinique en phase III… Le taux de réponses tumorales ne doit pas être l’unique objectif des études de phase III prospectives, randomisées et comparatives. Ces dernières doivent être suffisamment larges et avoir comme objectif(s) principal(aux) la survie globale ».

 

Avastin* : pas d’effet sur la durée de vie des patients mais complications graves.

L’examen de la balance avantages/risques doit également considérer les complications de l’avastin* : hypertension artérielle (6%), fatigue (asthénie), diarrhée et douleurs abdominales, protéinurie (3%). Les complications les plus graves sont des perforations gastro-intestinales (trous dans les intestins), des hémorragies (4%) et des thrombo-embolies artérielles (8%) responsables de décès chez 3% des malades traités.

Des bénéfices cliniques non démontrés et la toxicité importante de l’avastin* motivent le dernier avis[14] de la Haute Autorité de Santé : « AVASTIN n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu** (ASMR V), dans la prise en charge de1ère ligne du cancer bronchique non à petites cellules, non épidermoïde ». Il devrait être interdit, ou du moins non remboursé.

Curieusement en France, l’utilisation se poursuit dans cette indication encore en 2017 et a coûté 450 millions d’€ en 2015 à la sécurité sociale.

Progrès et innovation : une confusion au bénéfice de Big pharma et affidés.

Le mythe de l’innovation toujours synonyme de progrès a fait long feu ; la mise à disposition trop précoce de drogues nouvelles n’apporte souvent aucun bénéfice réel pour les malades et les exposent à des toxicités injustifiées[15], tout en ruinant nos systèmes de santé.

La défaillance des agences de régulation FDA et EMA qui ont autorisé la mise sur le marché d’un médicament globalement inutile et toxique est dramatique. Il est grand temps qu’elles reviennent à la mission pour laquelle elles ont été créées : la protection sanitaire des populations et qu’elles arrêtent de soutenir de principe l’industrie sous prétexte « d’innovation ». Un médicament ne doit être mis sur le marché que s’il est utile aux malades (cliniquement efficace) et peu dangereux.

La responsabilité de nos décideurs politiques doit être également soulignée. Depuis plus de dix ans, ils ruinent la sécurité sociale par une politique aberrante (ou complice ?) de prix. Le coût d’un traitement par atteint près de 40000 euros par an et par patient alors qu’il a rapporté plus de cinquante milliards de dollars depuis sa commercialisation. Incompétence ? Manque de courage politique ? Corruption ? Quelle qu’en soit la raison cette politique du « tout pour big pharma », si on la poursuit, elle entrainera à terme la disparition de la sécurité sociale.

 

[1] Alan Sandler Paclitaxel–Carboplatin Alone or with Bevacizumab for Non–Small-Cell Lung Cancer N Engl J Med 2006; 355:2542-2550

[2] M. Reck Overall survival with cisplatin–gemcitabine and bevacizumab or placebo as first-line therapy for nonsquamous non-small-cell lung cancer: results from a randomised phase III trial (AVAiL) Annals of Oncology 21: 1804–1809, 2010

[3] Nishio M et al. Randomized phase II study of first-line carboplatin-paclitaxel with or without bevacizumab in Japanese patients with advanced non-squamous non-small-cell lung cancer Lung Cancer 76 (2012) 362– 367

[4] Botrel TE,. Efficacy of bevacizumab (Bev) plus chemotherapy(CT) compared to CT alone in previously untreated locally advanced or metastatic non-small cell lung cancer(NSCLC): systematic review and meta-analysis. Lung Cancer 2011; 74(1): 89-97

[5] F. Barlesi et al Maintenance bevacizumab–pemetrexed after first-line cisplatin–pemetrexed–bevacizumab for advanced nonsquamous nonsmall-cell lung cancer: updated survival analysis of the AVAPERL (MO22089) randomized phase III trial Annals of Oncology 25: 1044–1052, 2014

[6] Patel J, Socinski MA, Garon EB et al. A Randomized, Open-label, Phase 3, Superiority Study of Pemetrexed(Pem) +Carboplatin (Cb) +Bevacizumab (B) followed by maintenance Pem+B versus Paclitaxel (Pac) +Cb+B followed by Maintenance B in patients with stage IIIB or IV Non-squamous Non-small Cell Lung Cancer. 2012 Chicago Multidisciplinary Symposium in Thoracic Oncology

[7] Herbst RS, Ansari R, Bustin F, et al. Efficacy of bevacizumab plus erlotinib versus erlotinib alone in advanced non-small-cell lung cancer after failure of standard first-line chemotherapy (BeTa): a double-blind,placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet 2011; 377: 1846–1854

[8] Roviello G No Advantage in Survival With Targeted Therapies as Maintenance in Patients With Limited and Extensive-Stage Small Cell Lung Cancer: A Literature-Based Meta-Analysis of Randomized Trials Clin Lung Cancer. 2016 Sep;17(5):334-340.

[9] Wakeneeh abstract PLEN03 03 World congress for lung cancer 2015 Denver 6 -9 sept 2015

[10] Les « méta analyses rassemblent les cas publiés dans de nombreuses études et tentent d’en faire la synthèse.

[11] Liza C. Villaruz The Role of Anti-angiogenesis in Non-small-cell Lung Cancer: an Update Curr Oncol Rep. 2015 June ; 17(6): 26

[12] Raphael J Antiangiogenic Therapy in Advanced Non-small-cell Lung Cancer: A Meta-analysis of Phase III Randomized Trials. Clin Lung Cancer. 2017 Jan 12. pii: S1525-7304(17)30004-9

[13] F Duffaud, P,Therasse : »nouvelles recommandations pour l’évaluation de la réponse tumorale dans les tumeurs solides » Bull du cancer 2000;87 (12): 881-6

[14] avis de mai 2016

[15]R R. Shah et al A fresh perspective on comparing the FDA and the CHMP/EMA: approval of

antineoplastic tyrosine kinase inhibitors Br J Clin Pharmacol / 76:3 / 396–411 2013